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Le projet de nouvelle constitution cubaine, une manière de dépasser la récession économique ?

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Le 24 février prochain, les cubains se prononceront lors d’un referendum, sur l’adoption d’une nouvelle constitution. Ce vote est l’aboutissement de plusieurs mois de débats durant lesquels plus de 7 millions de citoyens auront pris part aux consultations populaires. Ce texte, s’il est adopté, initierait la « libéralisation » du modèle cubain et préparerait le pays au post-castrisme. Pour autant, les problématiques économiques et sociétales qui gangrènent la société cubaine persistent. Elles pourraient accélérer le changement de modèle.

Miguel Díaz-Canel, Président du Conseil d’Etat Cubain

En quelques années, Cuba a dû s’adapter à plusieurs changements radicaux. Tout d’abord, le clan Castro, qui domine la politique de l’île depuis plus de 60 ans se retire progressivement des instances directionnelles. Ainsi, Raul Castro a été remplacé par Miguel Diaz-Canel comme Président du Conseil d’Etat et des ministres. Celui-ci conserve néanmoins la direction du tout-puissant parti communiste cubain (PCC) jusqu’en 2021. Son influence plane encore sur les décisions et les orientations de l’exécutif cubain. Par ailleurs, en 2016 Cuba et les Etats-Unis ont entamé un dégel de leurs relations. Cela a pu se concrétiser par un adoucissement de l’embargo. Ce qui a offert à La Havane de nouvelles perspectives de croissance.

Le projet de nouvelle constitution cubaine est la concrétisation d’un long processus de « démocratie participative ».  Plus de 110 000 débats auront été organisés par les instances étatiques pour produire ce nouveau texte. Sans rompre de manière radicale avec l’ancienne constitution de 1976, des changements concrets et symboliques pourraient y être effectués. Au niveau économique, la propriété et les investissements privés tout comme le marché seraient reconnus et légalisés. Concernant les affaires politiques, si Cuba conserverait son identité « socialiste » toutes références directes à une future société communiste seraient supprimées. Sur le plan institutionnel, le poste de Président de la République et de Premier ministre seraient créés.  Miguel Diaz-Canel deviendrait supposément le nouveau président. En outre, le mandat présidentiel de 5 ans ne serait reconductible qu’une seule fois. On ne peut néanmoins foncièrement pas parler de démocratisation du régime. Le président est toujours élu de manière indirecte, par des députés issus d’un quasi parti unique, désignés lors d’élections populaires. Pour autant, la mise en place d’un nombre limité de mandats et la limitation de l’âge des candidats (pas plus de 60 ans) dénotent radicalement avec la pratique castriste. Enfin, sur le plan sociétal, cette constitution ouvrirait la porte aux mariages homosexuels.

Un changement forcé ?

Si certains voient en ce nouveau texte une façon de préparer le pays au post-castrisme, d’autres l’analysent comme une réaction « forcée » à la récession économique que connait l’île. En effet, Cuba s’enfonce dans une récession critique. En réponse, l’exécutif cubain cherche à maintenir l’équilibre entre l’actualisation de son modèle économique et le renforcement de son régime. Ce numéro d’équilibriste a été rompu avec l’accentuation de la crise au Venezuela. Pour mémoire, Caracas est le premier partenaire et soutien économique de l’île et a dernièrement réduit ses subventions.  En outre, Cuba « loue » à travers toute l’Amérique latine ses médecins. Ce service rapporte à La Havane plus de 11 milliards de dollars par an. Or, l’élection au Brésil de Jaire Bolsonaro d’idéologie totalement opposée aux logiques cubaines, a remis en cause cet accord tacite avec ce pays, ce qui a fait perdre une importante manne financière à l’Etat cubain. Enfin, l’île subit les conséquences de « l’effet Trump » qui ralentissent le processus de normalisation diplomatique entre les deux Etats.

Face à cette situation critique, attirer les investissements étrangers est devenu la priorité du gouvernement cubain. Il évalue à 2,5 milliards de dollars la quantité d’investissements nécessaire pour maintenir l’économie du pays à flot. Les investisseurs sont d’ailleurs reconnus par la nouvelle constitution comme partie intégrante du développement économique du pays. Le gouvernement débourse annuellement pour les attirer plus de 300 millions de dollars depuis 2013 autour de son projet phare : Mariel. Il s’agit d’une Zone Spéciale de Développement (ZSD) située à 40 kilomètres de la capitale. Cette zone comprend : un port aménagé, des offices administratives pour accélérer les procédures et de nombreux hectares aménageables.  Plus de 40 firmes issues de 19 pays différents sont d’ailleurs déjà installées et ont investi 1,6 milliard de dollars. Le processus devrait s’accélérer dans les années qui viennent.

L’ « ouverture » contrôlée de l’économie cubaine, qui pourrait être concrétisée par la nouvelle constitution, semble être une réponse adaptée aux problématiques économiques. Cependant, elle ne résout pas les problèmes sociétaux. Les droits de l’Homme sont en effet toujours niés et les opposants politiques emprisonnés. Ainsi, le régime cubain penchera-t-il dans le futur davantage vers un modèle à la chinoise associant libéralisme économique et autoritarisme politique ou bien vers le paradigme des démocraties libérales ?

Sources :

  • El Pais : https://elpais.com/internacional/2018/11/24/actualidad/1543042730_806992.html
  • El Financiero : http://www.elfinanciero.com.mx/opinion/lourdes-aranda/el-fin-de-una-era-en-cuba
  • La Granma : http://fr.granma.cu/cuba/2018-04-05/la-zone-speciale-de-mariel-la-connexion-de-cuba-au-monde-et-au-developpement
  • Le Monde : https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2018/08/14/cuba-entame-le-debat-sur-sa-nouvelle-constitution_5342127_3222.html
  • Les Echos : https://www.lesechos.fr/17/04/2018/lesechos.fr/0301572304556_le-port-de-mariel-se-reve-en-hub-des-caraibes.htm

 

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