Quelles avancées pour la « Chinafrique » ?
Concept controversé, la « Chinafrique » désigne un système global concernant les relations multilatérales entre la République Populaire de Chine et les États Africains. Pour certains, cette relation est un néocolonialisme censé se substituer à la dépendance du continent africain envers les anciennes puissances coloniales occidentales. Au-delà de l’aspect polémique de ce concept, il s’agit ici d’analyser l’évolution de la présence économique et diplomatique chinoise en Afrique au cours des dernières années.
L’Afrique connaît d’importantes transformations en ce début de XXIe siècle avec une croissance économique soutenue – bien qu’inégale selon les pays – et une démographie particulièrement dynamique puisque vers l’horizon 2050, un quart de l’humanité sera africaine selon l’UNICEF. Ces éléments attirent l’attention des grandes puissances, au premier rang desquelles la Chine. Le continent africain représente l’une des clés de la politique étrangère de Pékin, avec des investissements massifs. D’où vient cet intérêt ? Il s’agit pour la Chine d’assurer son approvisionnement en matières premières, de profiter du développement économique de la région et de construire une aire d’influence en tissant les liens diplomatiques avec les États Africains.
Ce rapprochement se traduit par l’apport de main d’œuvre et d’investissements financiers afin d’étoffer les infrastructures (transports, réseaux électriques notamment) du continent. Par exemple, au Congo, presque tout nouvel investissement dans ce domaine est chinois, faute de concurrence. En plus de cette participation aux marchés publics de construction, la Chine bénéficie d’un accès préférentiel à l’extraction des ressources naturelles de ces pays, ce qui lui permet de réduire sa dépendance énergétique envers le Moyen-Orient et contrôler l’ensemble de la chaîne de production de certains produits. Conséquence de cette politique, la Chine est le premier partenaire économique de l’Afrique depuis 2009 (400 milliards de dollars d’échanges commerciaux), au détriment des États-Unis et de l’Europe : 15% des investissements chinois se font désormais en Afrique et plus de 2500 entreprises chinoises interviennent sur le continent. Fin 2015, ce sont 60 milliards de dollars qui furent promis par Xi Jinping lors du sommet sino-africain de Johannesburg
Pour ce qui est de l’aspect diplomatique, la Chine multiplie les accords de coopération et de libre-échange avec des États Africains, comme avec l’installation d’une base militaire à Djibouti, point-clé du commerce maritime mondial. De plus, Pékin occupe de plus en plus le rôle de bailleur de fonds que ce soit par des investissements dans des infrastructures publiques (écoles, dispensaires …) et par des prêts aux États. Cette politique lui a permis d’annoncer le soutien de plusieurs pays africains quant à ses prétentions territoriales en mer de Chine.
Si la Chinafrique semble devenir petit-à-petit une réalité économique, elle peine encore à devenir une réalité politique, dans la mesure où le poids politique d’anciennes puissances coloniales (France notamment) est encore prégnant et la présence chinoise sur le continent est inégale : elle se concentre avant tout sur la corne de l’Afrique et le pourtour du Golfe de Guinée. De plus, l’aspect néocolonialiste de la Chinafrique alarme certaines ONG, que ce soit en matière d’impact environnementale ou de droit du travail. Surtout, le ralentissement que connaît l’économie chinoise depuis quelques mois pourrait limiter l’ambitieuse politique africaine de Pékin. Néanmoins une transition pour l’Afrique, d’une aire d’influence occidentale à une aire d’influence chinoise, n’a rien d’inenvisageable pour les décennies à venir.
Pour aller plus loin sur la Chinafrique : L’arrogance chinoise (2013) – Eric Israelewicz