La mode Modi continue en Inde
Lors des élections législatives d’avril et mai 2019 en Inde, le Bharatiya Janata Party (BJP, Parti nationaliste hindou) a remporté 301 des 542 sièges de la Lok Sabha, la chambre basse du Parlement indien. Le parti de Narendra Modi remporte ainsi une victoire écrasante, avec 20 sièges de plus qu’en 2014.
Une victoire écrasante du BJP et de son dirigeant Narendra Modi
Alors que le parti historique du Congrès, mené par Rahul Gandhi, ne remporte que 52 sièges, Narendra Modi réalise l’exploit, inédit depuis l’indépendance, de porter la droite indienne sur le chemin d’un deuxième mandat consécutif.
Le BJP présentait pourtant un bilan quinquennal en demi-teinte. Malgré des promesses de développement économique mirobolant, le chômage est à son acmé (6,1%) et la croissance en ralentissement (7%). Par ailleurs, les revendications du peuple indien se font nombreuses. C’est le cas par exemple de la grogne agricole en réponse à l’augmentation du prix de l’engrais.
Les raisons d’une telle réussite du BJP
Tout d’abord, Modi a su tirer avantage du quadrillage de fond du territoire indien effectué depuis quelques années pour convaincre une partie de l’électorat. En effet, le parti s’est efforcé de s’actualiser et de s’adapter aux réalités locales dans chaque circonscription. Des réformes microéconomiques ont été menées, telle que la mise en place d’une connexion électrique. De plus, sa parfaite maîtrise des réseaux sociaux et le budget faramineux (supérieur à celui d’Obama) dont le parti a bénéficié lors de la campagne ont joué en sa faveur. C’est surtout la stratégie de son parti qui lui a permis un tel score. Grâce à la faiblesse de l’opposition, et une liberté relativement réduite des instituts de statistiques, Modi n’a pas subi les conséquences de son bilan économique très moyen, dû notamment à ses réformes de réformes de démonétisation, au cœur de son programme en 2014.
Ces échecs macroéconomiques ont été passés sous silence, les questions stratégiques et nationalistes occupant la scène. Modi a ainsi axé sa campagne sur la sécurité nationale, dans un contexte de crise grave au Cachemire. Il a également insisté sur les questions d’hindouité, se posant alors comme le protecteur de la nation. En conséquence, le dirigeant politique a acquis une véritable aura de leader, séduisant l’électorat qui vote par conviction, ou par confiance en ce chef charismatique.
Enfin, une telle réussite s’explique également par l’échec de l’opposition, et notamment du Parti du Congrès. La présidentialisation de la vie politique n’a pas joué en sa faveur. Rahul Gandhi ne semble en effet pas correspondre au rôle qui lui est demandé et ne séduit pas les foules. Cette absence de leader convaincant et son image de parti « dynastique » ont donc poussé l’électorat à se tourner vers un choix de stabilité.
L’Inde entre démocratie illibérale et source d’opportunités
Une telle victoire est-elle signe de stabilité ou de coup d’Etat démocratique ? C’est la question que se pose le sociologue Arjun Appadurai, qui évoque une érosion démocratique au sein du pays. Les chiffres flous au sujet du bilan économique, la démission de certains statisticiens comme acte de désolidarisation, les droits plus ou moins respectés de la minorité musulmane ; tous ces éléments semblent selon lui discréditer l’Inde en tant que « plus grande démocratie du monde ».
Mais a contrario, cette victoire pourrait être vue comme une volonté de stabilité de la part de la population, refusant les coalitions « branlantes ».
Les nombreux défis de Narendra Modi
Après cette victoire écrasante, Modi devra donc tenir ses promesses d’il y a cinq ans, récemment renouvelées. Les réformes économiques sont urgentes. La mise en place d’une TVA unifiée lors du dernier mandat est un premier pas. De nombreux changements sont cependant attendus pour faciliter les achats de terres et réformer les lois sociales, coûteuses mais inefficaces.
Ce n’est pas tout : le secteur financier, source trop souvent de connivence entre politique et économie, doit être restructuré. Les réformes en matière environnementale doivent devenir une priorité. À titre d’exemple, selon les prévisions, en 2030, la demande indienne en eau dépassera le double des stocks disponibles. Enfin, dans le domaine géopolitique, après des relations délicates avec ses voisins lors de son premier mandat, Modi doit, entre autres, faire face à la friction de ses relations avec les Etats-Unis au regard de ses liens étroits avec l’Iran (exportation de pétrole) et la crise au Cachemire.
Enfin, un défi majeur pour Modi et son parti est son ancrage dans la vie politique régionale. En effet, le BJP a du mal à gagner les élections régionales, ce qui l’oblige à constituer des coalitions avec de plus petits partis. Cela remet ainsi en question sa capacité à accomplir certaines réformes.
Les dés sont désormais jetés et les jeux lancés. Le gouvernement est dans l’élaboration d’un plan de 100 jours. Il devra être à la hauteur de la confiance des Indiens exprimée lors de ces élections envers leur leader.
Sources
http://www.rfi.fr/hebdo/20161216-inde-le-pari-risque-demonetisation-hebdo-modi-billet-economie-recession
LOLA NAYAR, « En pleine période électorale, Inde affronte un chômage record », Courrier International, 12/04/2019, https://www.courrierinternational.com/article/legislatives-en-pleine-periode-electorale-inde-affronte-un-chomage-record
« Narendra Modi, diriger pour mieux régner », Courrier International, 10/05/2019, https://www.courrierinternational.com/une/inde-narendra-modi-diviser-pour-mieux-regner
GUILLAUME DELACROIX, « En Inde, le succès triomphal de Narendra Modi », Courrier International, 23/05/2019, https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/elections-legislatives-en-inde-le-succes-triomphal-de-narendra-modi
http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20190410-inde-2019-legislatives-indiennes-bjp-narendra-modi-congres-rahul-gandhi
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