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La France perd son triple A

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Les agences de notation ont voulu siffler la fin de la récréation. Le fracas des cloches alarmistes de Moody’s sur l’économie française fait écho aux mélopées atlanto-libérales des Cassandre professionnelles. La France perd son AAA sans panache et sans courage. Dans l’indifférence, les prêcheurs de la décadence ont vu leur rêve se réaliser : la santé économique de l’Etat recule. Elle recule d’autant plus gravement que les gouvernements n’ont pas donné l’impression de saisir tous les enjeux économiques liés à une telle notation. Ou les ont-ils volontairement occultés ?

Certains argueront qu’ils ont eu raison de lambiner. Les récentes évolutions conjoncturelles en Grèce, en Espagne ou au Portugal prouvent que les pratiques d’austérité réduisent certes les importations donc le déficit extérieur mais qu’en contractant la demande, elles créent un cercle récessif limitant les rentrées fiscales… donc augmentant le déficit public. Ils auront d’autant plus raison si l’on considère qu’actuellement la France emprunte à des taux historiquement bas, preuve de la confiance des marchés en la signature de Paris. Confiance de substitution pour des investisseurs sortis de Rome et Madrid.

Il est vrai que comparativement, la situation française est bien plus saine à court-terme que celle de ses voisins. La consommation résiste, le déficit public est dans les clous, l’investissement stagne mais ne recule pas, la hausse du chômage est limitée. A court terme, le risque de solvabilité est très faible.

Néanmoins, contrairement à ses voisins, la France plonge dans la crise sans en remonter. Sa crise sera structurelle, non conjoncturelle comme pour ses collègues européens. La France souffre d’une désindustrialisation profonde (délocalisation et non industrialisation) due à un niveau de gamme très bas la confrontant à la concurrence asiatique : en découle une faible rentabilité des entreprises car les niveaux de salaires semblent trop élevés pour des produits sans valeur ajoutée. D’autres facteurs amplifient le phénomène : système fiscal non incitatif, insuffisance d’innovation (1,38% du PIB) et éducation en crise.

Nos déclinologues nationaux, et toutes les nations ont leurs producteurs locaux, concluent par une non-adéquation historique de la France et de la mondialisation. Pourtant la France demeure le sixième exportateur mondial, le quatrième destinataire d’investissements étrangers et ses leaders sont des champions internationaux. La France ne manque pas d’atouts : elle manque de courage. Outre la peur culturelle d’une dilution partielle d’un fabuleux modèle universel, la peur économique a pris le pas sur les autres inquiétudes quotidiennes. Nous avons tous compris que la guerre économique existait. Encore faut-il élaborer une stratégie pour la remporter. Les consommateurs optent pour une stratégie défensive faite de lignes Maginot et de tranchées. D’autres, plus libéraux, rêvent d’une grande stratégie offensive, entreprenante, innovante. En réalité, ce sont ces deux options qu’il faut combiner pour survivre : c’est ce que font avec brio l’Allemagne, la Chine et les USA. Panacher l’offensif et le défensif pour retrouver ce qui faisait, aux yeux de notre héros national Cyrano, la grandeur de l’âme française : le panache.

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