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La reconnaissance du génocide arménien trouble les relations turco-allemandes

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L’Allemagne est devenue le 2 juin le vingt-neuvième État à reconnaître par le vote d’une résolution le génocide arménien, ayant eu lieu entre avril 1915 et juillet 1916. Le texte a été approuvé à la quasi-unanimité par les députés du Bundestag. Ce succès a été immédiatement salué par le gouvernement d’Erevan. La Turquie a également réagi : son ambassadeur à Berlin a été rappelé, et le Premier ministre Binali Yildrim a qualifié ce vote d’« absurde ». Selon lui, la décision prise par les parlementaires va dégrader les relations entre les deux pays. La problématique du génocide arménien, qui peut être vu comme une « plaie ouverte de l’histoire » continue à diviser.

Le drapeau arménien a flotté devant le Bundestag le 2 juin 2016 ; jour de la reconnaissance du génocide arménien de 1915.
Le drapeau arménien a flotté devant le Bundestag le 2 juin 2016 ; jour de la reconnaissance du génocide arménien de 1915.

La résolution rédigée par Cem Ozdemir, député d’origine turque, co-président des Verts, portait précisément sur la « commémoration du génocide des Arméniens et d’autres minorités chrétiennes dans les années 1915-1916 ». Différents points ont été abordés. Tout d’abord, les actions du gouvernement dit des « Jeunes Turcs », dirigé par le parti Comité Union et Progrès (CUP). Il est estimé qu’entre 1914 et 1916, 77% de la population arménienne de l’Empire ottoman a disparu : on en dénombrait 1 617 000 en 1914, ils n’étaient plus que 370 000 après ce que la Turquie nomme encore aujourd’hui les « évènements de 1915 ».  La question de l’utilisation du terme « génocide » divise encore. C’est même ce point qui cristallise les tensions entre la Turquie, et une majorité de la communauté internationale. L’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (adoptée le 9 décembre 1948) affirme que « le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».  Selon différents dirigeants turcs, il est impossible d’employer le terme de « génocide » car il n’y a pas eu d’intention de détruire la minorité arménienne.

Un autre aspect important a été mis en avant grâce à ce texte : le rôle de l’Empire allemand. Pendant la Première Guerre mondiale, les deux empires étaient alliés. Leurs armées entretenaient une étroite collaboration. De nombreuses archives ont révélé que le chancelier de l’époque, Theobald von Bethmann-Hollweg avait été mis au courant par des officiers et diplomates allemands travaillant au sein de l’Empire ottoman, des intentions du gouvernement. Cependant, il avait préféré ne pas réagir, pour préserver cet allié qu’il jugeait stratégique.

Les députés allemands ont présenté cette résolution comme une avancée vers une réconciliation entre l’Arménie et la Turquie, et non pas comme une attaque envers l’actuel gouvernement turc. Cependant, Ankara a perçu ce vote comme un affront.

Actuellement, les relations de la Turquie avec l’Allemagne, ainsi que celles avec l’Union européenne (UE) sont surveillées de près. La Turquie est un acteur clef dans une future résolution de la crise des réfugiés. C’est pour cette raison que la chancelière allemande a fait son possible pour repousser au maximum le vote du texte de C. Ozdemir. A l’origine, le vote devait avoir lieu le 24 avril 2015, jour du centenaire du début du génocide.

La semaine dernière, le Président Erdogan a affirmé dans un entretien téléphonique avec Angela Merkel que les relations turco-allemandes se détérioreraient si le Bundestag votait le texte. Toutefois, il n’a pas mentionné directement le plan pour réduire la migration vers l’Europe décidé le 18 mars. A. Merkel avait pourtant été la principale architecte de cet accord entre l’UE et la Turquie. Renier ce qui avait été décidé aurait pu être une idée de protestation pour la Turquie.

Il est possible que Recep Erdogan ne soit pas revenu sur cet accord, car une de ses clauses prévoit la relance du processus d’adhésion de la Turquie à l’UE. Cependant, selon C. Ozdemir, tant que la Turquie ne mettra pas les choses au clair avec son passé, ses relations avec l’UE seront tumultueuses. De ce fait, son entrée dans l’UE ne sera pas possible.

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