Portugal : qui était l’ancien président Mario Soares ?
Mort hier à 92 ans, ancien chef du gouvernement et président, Mario Soares symbolise l’humanisme et la démocratisation du Portugal. Il a également portée l’entrée du Portugal dans la construction européenne, avant de dédier la fin de sa vie à la défense des Droits de l’homme.
Avocat, historien et philosophe, Mario Alberto Nobre Soares est d’abord enseignant d’université au Portugal. Engagé contre le régime dictatorial de Salazar et son projet d’Etat nouveau (O Estado Novo), Soares est arrêté une douzaine de fois et emprisonné. En effet, il profite de son rôle d’avocat pour défendre de nombreux prisonniers politiques, comme le général Delgado, candidat à la présidence de la République contre Salazar et assassiné par la police militaire portugaise à Madrid en 1965. En 1970, il est exilé en France où il continuera à enseigner à Paris, Vincennes puis à Rennes. Dans le même temps, il rejoint l’Action socialiste portugaise, un mouvement politique exilé. Il est ensuite désigné Secrétaire général du mouvement, devenu le Parti socialiste en 1973.
Au même moment au Portugal, Marcelo Caetano, issu des jeunesses salazaristes, a remplacé Salazar, mort en 1970, à la tête de l’Etat. Il tente de réformer un régime vieillissant et ankylosé dans lequel le pouvoir de la police militaire, la PIDE, a de plus en plus d’emprise. Cependant, il apparaît de plus en plus fragilisé par la politique coloniale du Portugal. Désireux de conserver les reliquats africains d’un Empire ultra-marin autrefois immense, le régime s’enlise dans des conflits couteux en hommes. La jeunesse comme l’armée, démoralisées tentent de faire entendre leur opposition à Marcelo Caetano, inflexible.
Mario Soares joua un rôle clé dans la sortie de crise du Portugal dans les années 70, d’où son surnom de « père de la démocratie portugaise ».
Le 25 avril 1974, un coup d’Etat soutenu par la population renverse le régime salazariste. Mario Soares rentre au Portugal en héros et est nommé ministre au sein du gouvernement mené par le Mouvement des forces armées et les communistes. Accusés de vouloir prendre le contrôle du gouvernement dans son ensemble et de lancer « une dictature du prolétariat », les leaders militaires et communistes démissionnent face aux grèves d’opposition qui paralysent le pays. Lors des premières élections démocratiques qui ont lieu en avril 1976, les socialistes remportent la majorité des sièges du gouvernement et Soares est élu Premier ministre. Il sera le premier dirigeant du Portugal élu démocratiquement depuis 60 ans. Une nouvelle constitution, toujours en vigueur sera promulguée. Il effectuera deux mandats à la tête du gouvernement, de 1976 à sa démission en 1978, puis de 1983 à 1985. Très populaire, il sera par la suite le premier président civil du Portugal élu au suffrage universel direct en 1986. Réélu en 1991, avec plus de 70% des suffrages, il brigue un troisième mandat en 2006, mais sera défait par les conservateurs.
Chef d’orchestre de la décolonisation en Afrique, Soares s’illustre en gérant le difficile dossier du retrait et du rapatriement des portugais établis dans les colonies. Lors de son deuxième mandat en tant que Premier Ministre, il lance « le pari européen », et réforme en profondeur le secteur agricole portugais afin de remplir les conditions de l’adhésion du Portugal dans la Communauté économique européenne. Critique à l’égard de la cure d’austérité imposée au Portugal par la Commission européenne, Mario Soares s’était retiré de la vie politique ces dernières années pour porter à travers le monde les valeurs morales des droits de l’homme.
Mort hier à 92 ans, Mario Soares s’apprête désormais à recevoir les hommages de tout un pays. Le président conservateur Marcelo Rebelo de Sousa a salué « un combattant pour la liberté », et a décrété trois jours de deuil national.