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Troc Europe-Iran: ultime solution pour sauver l’accord de Vienne ?

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Le 31 janvier 2019, l’Europe a annoncé avoir mis en place un système qui lui permettra de commercer avec l’Iran, sans pour autant se voir imposer des sanctions de la part des Etats-Unis. La forme de cette entité nommée INSTEX,  est une idée novatrice pour les relations Europe-Iran. Pourtant l’initiative soulève de nombreuses problématiques diplomatiques et économiques. Le tout, sur fond de sécurité nucléaire.

L'Iran subit les sanctions américaines et souhaite envoyer un message fort aux américains
L’Europe a annoncé la mise en place d’un système de troc avec l’Iran.  cela devrait permettre de contourner les sanctions américaines. Cette stratégie et vise à sauver l’accord de Vienne

INSTEX : contourner la dollarisation des transactions et maîtriser le nucléaire iranien

En mai 2018, Donald Trump avait retiré les Etats-Unis du traité de Vienne sur le nucléaire iranien, ratifié en 2015. Ce retrait avait obligé des entreprises européennes s’étant réimplanter en Iran à en repartir. Ainsi, plusieurs contrats se chiffrant en milliards de dollars avaient pris fin. En effet, désormais les pays commerçants avec la République islamique d’Iran, tombent sous l’effet de l’extraterritorialité du droit américain et de ses sanctions.

Concrètement, il s’agit d’une entité ad hoc nommée INSTEX (Instrument in Support Of Trade Exchanges), dont la structure juridique est appelée Special Purpose Vehicle. Créée par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, les 28 états membres de l’Union Européenne l’ont acceptée. Cette création est une réaction au rétablissement des sanctions contre l’Iran.  INSTEX fonctionnera comme une chambre de compensation  « dans le cadre d’un troc entre importateurs et exportateurs entre l’Iran et l’Europe. Les entreprises exportant vers l’Iran seront créditées sur INSTEX grâce aux créances des importateurs iraniens, seul le solde de ces flux faisant l’objet de crédits bancaires » (1)

Par INSTEX, l’Europe souhaite convaincre l’Iran de se maintenir dans l’accord de Vienne et donc, limiter une augmentation des tensions au Moyen Orient dûes au programme nucléaire iranien.  La solution est partielle et ne permettra pas de rétablir de véritables flux économiques entre les deux aires. Toutefois, l’Europe montre qu’elle souhaite tenir sa promesse consistant à soutenir le maintien de l’Iran dans l’accord. La mise en place d’INSTEX a été accompagnée de certaines conditions. Par exemple, l’Europe souhaite que l’Iran se conforme aux Gafi (Groupe d’action financière), l’organe qui lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. A terme, l’objectif serait de sortir l’Iran de la liste noire du Gafi et donc des pays soumis à l’embargo américain. Cela serait bénéfique au commerce avec l’Europe.

L’Iran : entre pied-de-nez aux américains et refus de se plier aux normes occidentales

De son coté l’Iran voit en ce mécanisme une nouvelle opportunité de s’opposer aux Etats-Unis.  Par la mise en place du troc, l’Iran estime qu’il y a une « invalidation des sanctions » par les européens. Aussi, Hassan Rohani, le président actuel, voit d’un bon œil cette possibilité de commerce extérieur au moment où la situation économique en Iran se dégrade. Pour autant l’Iran ne compte pas coopérer sur l’aspect Gafi. Le ministère de la justice iranienne a d’ailleurs réaffirmé l’indépendance de la politique étrangère et de défense. Le guide suprême a quant à lui déclaré qu’il n’était pas possible que l’Iran fasse confiance à l’Europe et qu’il s’opposerait à ce projet.

INSTEX, une fausse bonne idée ?

A peine créé, INSTEX est déjà limité. Pour que la chambre de compensation fonctionne, des entreprises doivent se porter volontaires. Or ce sont surtout des PME ne commerçant pas encore en dollars, qui devraient accepter d’intégrer la structure. Ensuite, il faut qu’une entreprise miroir d’INSTEX soit créée en Iran, ce qui pourrait prendre du temps, voir être empêché. Dans la pratique, INSTEX ne permettra pas de débouchés en Europe pour le gaz et le pétrole iraniens, censés doper l’économie iranienne. Cependant INSTEX se concentrera au début sur des produits agroalimentaires et pharmaceutiques, déjà autorisés.

L’Europe affirme que le mécanisme sera prêt à monter en puissance.  D’autres pays pourraient l’intégrer, comme la Russie et la Chine. Ces deux derniers ont par ailleurs des intérêts économiques et diplomatiques en Iran, bien que cela aille à l’encontre de la politique américaine. Or, l’inclusion de telles puissances dans le mécanisme d’initiative européenne pourrait être mal vu par Washington. Effectivement,  la Chine et les Etats-Unis sont sur le point de se livrer une guerre économique tandis que la Russie est accusée d’ingérence dans l’élection présidentielle américaine.

(1) source : Yves Bourdillon, Les Echos, https://www.lesechos.fr/monde/europe/0600655169264-leurope-mise-sur-instex-pour-commercer-avec-liran-2243324.php

 

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Eléonore Motel

Eléonore est étudiante en master 2 à Sciences Po Lille. Ses thèmes de prédilection sont l'intelligence économique, les problématiques de défense, de sécurité et d'innovation

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