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L’ Allemagne du « Nein »

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« Nous sommes les crétins de l’Europe » tel fut le titre choc de « Bild » le tabloïd allemand qui s’écoule a plus de trois millions d’exemplaires chaque jour et qui reflète les inquiétudes de la population allemande à l’idée d’aider leur voisin grec dispendieux. Le plan d’aide a été tardivement voté le 7 mai par le Bundestag (la chambre basse fédérale) mais la population s’est prononcée majoritairement contre l’idée. Cette situation traduit la tendance qui traverse le pays : l’Allemagne n’a plus peur de s’affirmer en tant que puissance et donc renâcle à verser son obole.

Le nouveau sentiment de puissance vient d’abord du fait que l’Allemagne semble en avoir fini avec la tyrannie de son passé : les générations au pouvoir sont plus marquées par la guerre froide (Angela Merkel a grandi en RDA) que par les horreurs du nazisme. Avec la pléthore de musées et de monuments (et de films : cf. « La Chute ») qu’elle a consacré à cette période et le temps qui a passé, le pays ne semble plus être qualifié de « mouton noir » des démocraties et recommence à assumer son statut de « puissance » : un mot interdit d’emploi jusqu’à récemment. Cette puissance s’appuie en premier sur l’économie (5ème PIB mondial et 2ème puissance exportatrice du monde). Le président Horst Köhler a même évoqué l’intervention en Afghanistan (impopulaire outre Rhin) comme utile pour protéger le commerce et les emplois allemands par la stabilité qu’elle apporte dans la région. Une déclaration qui a provoqué un tollé et entraîné sa démission le 1er juin dernier. Il n’en demeure pas moins que l’Allemagne est de plus en plus audacieuse sur le plan européen avec, notamment, l’interdiction unilatérale de vente de certains produits financiers. Interdiction qu’elle a étendue le 2 juin dernier malgré les protestations de ses partenaires pour avoir fait cavalier seul.

Cette nouvelle affirmation va-t-elle déchirer l’Union ? « L’Europe s’en sortira en s’alignant sur les plus forts et pas sur les plus faibles » répète Angela Merkel et en effet aujourd’hui, c’est l’Allemagne qui tient les cordons de la bourse en Europe. Merkel a retardé l’intervention européenne autant que possible à cause d’élections internes mais a été forcée de céder aux pressions de ses partenaires européens et a ainsi perdu sur les deux tableaux. Les Allemands apprécient en effet peu qu’après avoir plafonné voire réduit leurs salaires depuis dix ans, et avoir réduit drastiquement leurs prestations sociales avec les réformes « Hartz » 1, 2, 3, et 4, les Grecs qui ont bénéficié d’augmentations de salaire records (+7% par an pour les fonctionnaires) et d’investissements européens depuis 15 ans viennent leur réclamer un plan d’aide financière.

Mais cette Allemagne a bien conscience de ce qu’elle doit à l’euro pour ses exportations et qu’elle a, elle aussi, bénéficié d’aides européennes pour l’aider à remettre l’ex-RDA sur pieds. De plus, les jeunes générations allemandes savent ce qu’elles doivent à l’Europe et les universités allemandes sont très ouvertes à l’international et notamment vers les pays de l’Est. Elles déplorent, enfin, le manque de volonté politique européen. Ce que l’Allemagne veut, au fond, grâce à la puissance politique qu’elle commence à retrouver, c’est donner « sa » vision de l’Europe. Comme a tenté de le faire la France avant elle. Une Europe qui respecte la rigueur qu’elle s’est prescrite et qui le fait savoir !

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