La France sixième puissance économique mondiale? Faux
Pour les scrutateurs des mauvaises nouvelles, les éternels parangons de la France décadente et les Cassandre libérales qui rêvent d’en découdre avec le modèle français, la nouvelle tombait à pic : la France est passée, au classement du PIB nominal des puissances économiques, en 6ème position derrière la Royaume-Uni. Selon la Commission européenne, en 2014, le PIB britannique serait de 2 232 milliards d’euros alors que le PIB français serait de 2 134 milliards d’euros, soit 98 milliards d’euros en faveur de la perfide Albion. Après tout, avec une croissance de 2,6% à Londres contre 0,4% à Paris cette année, l’hexagone n’avait aucune chance. Mais à y regarder de plus près, cette information semble partielle, voire partiale. Avant tout car ces chiffres demeurent des estimations d’une seule entité, datant d’octobre, et que d’autres organisations, au même moment, ont affirmé le contraire (le FMI). De plus, plusieurs facteurs expliquent cette évolution. Quels sont ces facteurs qui ont permis au Royaume-Uni d’augmenter son PIB de 195 milliards d’euros de plus que la France ? Ils sont au nombre de quatre :
Marginalement, les règles de calcul du PIB ont été modifiées. Les périmètres de calcul divergent quant à l’inclusion des activités illicites (drogue, prostitution, criminalité), que le Royaume-Uni inclut et non la France. Cette divergence explique, déjà, 12 milliards d’euros de différence.
- Plus au cœur du sujet, l’inflation est plus forte au Royaume-Uni (1,5% en 2014) qu’en France dont l’économie est proche de la déflation (0,4% d’inflation). Le différentiel entre la hausse du PIB en Grande-Bretagne (+30 milliards) et la hausse du PIB due à l’inflation française (+8 milliards) est donc de 22 milliards.
- Surtout, l’euro a chuté au cours de l’année : de 1,21€ la livre sterling au 1er janvier 2014, en octobre, le cours spot était de 1,28€ environ. Cette revalorisation entre 5,5 et 5,7% selon les chiffres retenus explique entre 110 et 125 milliards d’euros le différentiel entre les deux croissances.
- Enfin, la croissance plus forte outre-Manche (entre 2,5% et 3%) a permis une hausse du PIB de 60 milliards d’euros. Avec une croissance de 0,4% en France, la hausse n’a été que de 8 milliards d’euros. Certes, les réformes anglaises peuvent expliquer une part de la croissance. Il n’en demeure pas moins qu’il ne faut pas oublier l’effet rattrapage de l’économie britannique, qui avait très fortement chuté entre 2007 et 2009 alors que la France résistait mieux.
Ainsi, en décortiquant les chiffres, il n’est pas évident de crier à l’apocalypse française (toutes choses étant égales par ailleurs, la croissance ne suffit pas à Londres pour nous dépasser). Au mieux ces chiffres témoignent d’une reprise qui ne suit pas celle du reste du monde. En réalité, ces décalages rapidement évoqués démontrent toute la faiblesse du PIB nominal, seul indicateur de puissance économique. Rien que le PIB se distingue en 4 indicateurs (PIB nominal, PIB réel, PIB PPA, PIB/habitant) qui tirent des conclusions différentes. A la lecture de ce billet, qui critique les chiffres et le classement en notre défaveur, nos amis anglais nous démontreront que nous sommes mauvais joueur. Ils n’auront peut-être pas tort. Nous leur répondrons alors avec Aaron Levenstein, « les statistiques, c’est comme le bikini. Ce qu’elles révèlent est suggestif, ce qu’elles dissimulent est essentiel. »