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Daesh et le rapprochement contraint de Téhéran et Riyad

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La montée en puissance de l’Etat Islamique (EI) bouleverse le champ des alliances au Moyen-Orient. L’Arabie Saoudite et l’Iran, les deux grandes puissances régionales concurrentes, se retrouvent à devoir coopérer face à l’expansion de cette menace.

L'ayatollah Khamenei, guide suprême d'Iran, et l’actuel roi d’Arabie Saoudite, Abdallah
L’ayatollah Khamenei, guide suprême d’Iran, et l’actuel roi d’Arabie Saoudite, Abdallah

Le groupe Daesh occupe désormais une partie importante de l’Irak, débordant même sur la Syrie. Son implantation territoriale se fait de plus en plus solide, inquiétant les pays voisins. Surtout, le groupe ne cache pas son hostilité envers ses ennemis désignés.

Le groupe extrémiste sunnite a parmi ses premiers adversaires l’Iran chiite. Daesh souhaite déposséder l’Iran « de toute sa puissance », et cela par tous les moyens. L’inquiétude est donc légitime à Téhéran : l’armée a déclaré qu’au moindre mouvement suspect de la part de l’EI à ses frontières, elle se sentira en droit d’intervenir. Le mauvais souvenir de la guerre Iran-Irak (1980-1988) reste prégnant dans les mémoires. Au-delà de son intérêt existentiel à combattre Daesh, l’Iran, soutenant le régime chiite de Bagdad, aide naturellement un de ses précieux alliés. De plus, le gouvernement Rohani est dans une optique de réintégration dans la gouvernance régionale et mondiale. C’est pourquoi nous avons pu assister de la part de Téhéran à des signes d’ouverture à l’égard de l’Arabie Saoudite (déclarations publiques, rencontre des ministres des affaires étrangères saoudiens et iraniens). Afin d’acquérir ce statut de puissance régionale reconnue et d’intermédiaire au Moyen-Orient, l’Iran doit mener cette politique d’ouverture. Si l’EI est donc effectivement une menace pour l’Iran, cette menace partagée par d’autres pays lui permet de revenir dans le jeu régional, remettant en avant son rôle d’acteur incontournable au Moyen-Orient.

L’Arabie Saoudite face à ses propres démons

Alors que le royaume saoudien est depuis longtemps accusé (avec les autres pays du Golfe) de participer aux financements de groupes terroristes tel l’EI, Riyad a annoncé son engagement à combattre Daesh. Ce revirement s’explique par la crainte des dirigeants saoudiens de voir sa « créature » se retourner contre lui. En effet, l’EI affiche désormais également son hostilité envers les monarchies du Golfe, qu’il dénonce comme des régimes corrompus et inféodés à l’Occident.

Au-delà de la menace militaire que représente le groupe Daesh à ses frontières, c’est la fascination qu’exerce dans les esprits des jeunes musulmans l’EI qui effraie les dirigeants saoudiens. La crainte d’un retour du « syndrome afghan » se profile puisque c’est près de 4.000 saoudiens qui sont dans les rangs de Daesh. Comme les moudjahidines revenant d’Afghanistan dans les années 80, les jihadistes revenant de Syrie et d’Irak sont autant de sources de déstabilisation et de potentiels attentats sur le sol saoudien. Déjà, les régiments envoyés à la frontières sont encadrés par de nombreux éléments étrangers (pakistanais et égyptiens majoritairement), car le régime craint des défections en faveur de l’EI dans les propres rangs de son armée.

La menace sécuritaire que présente Daesh oblige donc l’Arabie Saoudite à coopérer avec l’Iran dont on ne pourra se passer pour résoudre la crise en Irak et en Syrie. De plus, la récente chute de Sanaa sous l’égide des houthis chiites a renforcé le fantasme d’un arc chiite se déployant autour des monarchies sunnites du Golfe. C’est pourquoi l’intégration à la coalition (réaffirmant au passage l’alliance stratégique entre le royaume et les Etats-Unis) paraissait désormais indispensable pour les dirigeants saoudiens. Cela s’accompagnant d’un dialogue avec Téhéran pour renforcer la coopération régionale, afin de garantir la stabilité et la sécurité de l’Arabie Saoudite avant tout.

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