Aide humanitaire en Syrie : l’ONU face au veto russe
Depuis 2014, la Russie tente de minimiser l’action de l’ONU en Syrie. Aujourd’hui, l’aide humanitaire dans le nord de la Syrie est en danger, et pourrait ne plus avoir lieu. En cause, le veto russe lors du vote au Conseil de l’ONU concernant l’extension d’un an de l’acheminement humanitaire transfrontalier.
Bab al-Hawa est désormais le seul passage transfrontalier restant permettant d’acheminer de l’aide humanitaire vers le nord de la Syrie. La région d’Idleb est en effet une des plus touchées par la guerre, et regroupe un grand nombre de déplacés et exilés. Environ 2,4 millions de personnes, dans cette région, dépendent de l’aide humanitaire. Depuis 2019, la Russie a déjà rendu possible la fermeture de trois des quatre passages transfrontaliers de cette aide. Le 5 juillet 2022, s’est ouvert un nouveau conseil de l’ONU, dans lequel le sujet a été fortement débattu. Pour le moment, l’utilisation du passage reste suspendue.
La situation en Syrie au cœur du débat
Lors de la séance du Conseil du vendredi 8 juillet, la Russie a imposé son veto. Elle a ainsi bloqué le vote concernant l’extension d’un an de l’aide transfrontalière. En échange, elle propose une durée de six mois, ce que refusent pour le moment les autres membres permanents du Conseil. Selon certains chefs d’Etat occidentaux, ce délai est trop court pour permettre aux équipes humanitaires d’organiser leurs missions sur le terrain.
Le gouvernement russe se retrouve isolé dans cette prise de position. La Chine, elle, s’est abstenue de voter pour l’extension du mécanisme actuel. Outre cette abstention, parmi les membres permanents et non-permanents du Conseil, treize ont voté en faveur de l’extension d’un an. Seule la Russie a voté en défaveur.
Le mécanisme actuel, appelé mécanisme transfrontalier, ou « crossborder », semble donc faire l’unanimité au sein des Etats occidentaux, ainsi que des ONG humanitaires. Une partie d’entre elles tente de faire pression avec la signature d’un appel en faveur du renouvellement de ce mécanisme.
Coopération internationale en Syrie: différentes propositions
La Russie souhaite instaurer, en échange du mécanisme crossborder, un mécanisme « crossline ». Ce dernier a déjà remplacé les anciens passages transfrontaliers du pays. Il vise à faire passer l’aide humanitaire par Damas et les lignes de front. Cela a pour but d’établir un contrôle plus poussé des autorités syriennes sur les convois humanitaires. Ce mécanisme a déjà amené à une baisse considérable du nombre de convois acheminés en Syrie.
Des négociations sont toujours en cours, et seront débattues lors des prochaines séances du Conseil. Le Kenya, représentant les dix Etats membres non-permanents actuels, a proposé une extension d’une durée de neuf mois, en guise de compromis. Pour le moment, l’issue du vote est très incertaine.
Enjeux d’alliances et de pouvoir autour du conflit syrien
Le vote pour le renouvellement du mécanisme crossborder est en réalité emprunt d’une tension croissante entre les Etats-Unis et la Russie, du fait de la guerre en Ukraine. Les deux Etats ont notamment rompu récemment tout contact, ce qui ajoute une difficulté aux négociations. Pour les Etats-Unis, acheminer les convois humanitaires via les lignes de front est un risque trop important. Il serait à l’origine de milliers de morts dans le nord de la Syrie.
La Russie argumente, quant à elle, cette prise de position, par le fait que l’acheminement transfrontalier empiète sur la souveraineté syrienne. Les deux Etats étant alliés, les représentants russes à l’ONU affirment ne pas vouloir d’un mécanisme transfrontalier, ni d’une durée d’extension supérieure à six mois. La Chine a par ailleurs voté en faveur d’une extension de six mois, imbriquée elle aussi dans un mécanisme d’alliances.
Les négociations des prochains jours détermineront le futur de l’aide humanitaire en Syrie. La fermeture de ce dernier passage transfrontalier pourrait avoir des conséquences humanitaires dramatiques, à un moment où la guerre et les difficultés économiques font des ravages en Syrie. La Russie soutient le régime de Bachar al-Assad et est régulièrement intervenue en sa faveur dans le conflit, ce qui inquiète les Etats membres de l’ONU sur la suite des événements.