La spécialisation mondiale des économies ou la genèse des relations de complémentarité et interdépendance
A partir du XIX° siècle, les Européens assoient leur domination sur des régions mondiales, par le contrôle de leur économie (institutionnalisant une domination « informelle »), en Chine ou en Amérique latine, soit par la colonisation de leur territoire. L’Angleterre achève en 1857 la conquête de l’Inde, cimente son réseau de comptoirs sur les côtes d’Afrique occidentale. En 1876, sa domination s’étend sur plus de 22 millions de kilomètres carrés. La France ambitionne et poursuit la conquête de l’Algérie, s’implante graduellement en Afrique noire. En 1859, la prise de Saigon marque l’avènement de la pénétration française en Indochine. En 1884, la conférence de Berlin donne un nouveau souffle à la colonisation de l’Afrique en entérinant le partage des frontières, en régulant et codifiant les occupations à venir sur le territoire africain et en reconnaissant la propriété du Congo à Léopold II. Alors que les Français achèvent la conquête de l’Indochine, les Britanniques fortifient leur autorité sur la périphérie de l’Inde. Les colonies constituent des domaines réservés pour les économies des Etats européens et sont considérées comme des zones d’approvisionnement en matières premières et débouchés pour les productions de la métropole.
Ainsi naît une domination commerciale et financière. Vers 1915, les Européens nantissent aux deux tiers des importations mondiales et pourvoient à plus de 50% des importations. Avec près de 40% de la flotte marchande mondiale et une structuration d’un réseau de « haltes » pour approvisionner les navires en charbon, les Britanniques assurent des liaisons entre l’Europe et les autres continents. Les Européens établissent et entretiennent des relations flottantes avec leurs colonies, faîtes d’assujettissement, d’inféodation et de partage contrôlé des ressources. Dès le milieu du XIX° siècle, ils astreignent la Chine et le Japon à ouvrir leurs ports aux commerçants européens et leur assignent le devoir d’assouplir les tarifs douaniers. Les Européens investissent à l’étranger, via des prêts octroyés à des gouvernements particuliers, ou via le placement de capitaux dans certains secteurs économiques. Les colonies Britanniques reçoivent 49% du total des investissements extérieurs britanniques vers 1920, 70% vers 1925. Les Français investissent nettement moins dans leurs territoires. Au sortir de la Première Guerre Mondiale, l’Europe demeure distancée par les Etats-Unis, lesquels instaurent et cultivent une « diplomatie du dollar », fondée sur des investissements massifs dans les territoires « amis ». Ils détrônent la Grande-Bretagne dans son rôle de premier investisseur mondial à l’étranger.
De multiples régions sont alors mises en valeur par les pays de la métropole. Des infrastructures sont mises en place, une structuration du territoire des colonies est à l’œuvre (construction de réseaux ferrés, installation de plateformes portuaires ou encore exportation de système innovant d’irrigation pour la culture du riz). La demande de la métropole suscitant une augmentation de la production des pays colonisés, ces derniers se spécialisent, l’Egypte dans la culture du coton et la fabrication de la toile de jute, la Chine dans l’industrie, les régions équatoriales dans la culture du thé et du cacao, ou encore l’Argentine, qui devient le premier fournisseur en viande de l’Europe grâce à la création du frigorifique.