Monde et mondialisation

La Société des Nations : de l’espoir à l’échec.

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la nécessité de créer une organisation internationale qui regrouperait la majorité des Etats, et aurait pour but de permettre le développement d’une coopération internationale institutionnalisée, devint de plus en plus évidente aux yeux des décideurs politiques du monde entier. Le 8 janvier 1918, quelques mois avant la signature de l’armistice, le président américain Woodrow Wilson avait en effet exposé devant le Congrès des Etats-Unis, un programme de quatorze mesures visant à l’instauration d’une paix durable entre les différents acteurs du système international. Dans ce discours, plus connu comme les « Quatorze points de Wilson », il évoquait l’idée qu’une « association générale des nations devra être formée sous des conventions spécifiques en vue de créer les garanties mutuelles de l’indépendance politique et de l’intégrité territoriale des Etats grands et petits »1.

7ème Assemblée de la Société des Nations, Genève, Septembre 1926.
7ème Assemblée de la Société des Nations, Genève, Septembre 1926.

L’année suivante, lors de la Conférence de paix de Paris, l’idée fut reprise et intégrée au Traité de Versailles signé le 28 juin 1919, créant dès lors la première organisation internationale permanente fondée sur le principe de « sécurité collective » et dont la mission principale était de permettre la résolution pacifique d’éventuels conflits. Cette organisation prit le nom de Société des Nations (SDN) et se réunit pour la première fois à Paris, le 6 janvier 1920. La même année, elle s’installa définitivement à Genève, la ville bénéficiant de l’aura et du statut de neutralité de la Suisse. La SDN comprenait à l’origine 45 membres, soit près de la moitié des Etats se proclamant souverains à cette époque, et connut à son apogée la participation de 57 Etats, tous engagés par l’acceptation commune de certains principes édictés en vue d’assurer la paix mondiale, tels que l’interdiction de la guerre, le respect du droit international, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique des Etats souverains, la réduction des stocks d’armement, etc.

L’organisation se composait aussi de plusieurs institutions. Tout d’abord, l’Assemblée, qui réunissait les représentants des Etats membres et tenait des réunions périodiques sur tout sujet relatif à la paix dans le monde. Ensuite, le Conseil, qui se composait de cinq membres permanents (France, Royaume-Uni, Italie, Japon, puis Chine) et quatre non-permanents choisis par l’Assemblée (ce chiffre fut par la suite porté à onze), et qui avait le rôle de l’exécutif au sein de l’organisation. La SDN disposait également d’un secrétariat permanent, dirigé par un secrétaire général, ayant pour mission d’assurer le fonctionnement de l’organisation. Enfin, divers comités spécialisés avaient été crées pour prendre en charge certains domaines spécifiques, tels que le Bureau international du travail (BIT) ou la Cour de justice internationale (nouveau nom donné à la Cour de la Haye créée en 1899).

Mais l’organisation souffrait dès son origine d’importants handicaps. Bien que la SDN soit associée à l’œuvre du président américain Woodrow Wilson, son acte fondateur qu’est le Traité de Versailles ne fut jamais ratifié par le Sénat des Etats-Unis, marqué à l’époque par un isolationnisme patent. Celle-ci dut en plus se construire sur les ruines d’une Europe morcelée entre différentes nations, dont le sort fut scellé par l’élaboration d’un traité n’ayant pas pris en compte l’implantation géographique de plusieurs cultures, qui se trouvaient dès lors séparées par les nouvelles frontières de l’après guerre. La SDN ne disposait pas non plus d’une force armée capable d’intervenir dans le cas où un Etat membre n’aurait pas respecté ses engagements. Enfin, malgré que la SDN avait élaboré plusieurs mécanismes visant à contraindre les Etats ayant fait défaut, tels que des sanctions économiques, ceux-ci furent difficiles à mettre en place et étaient relativement inefficaces, d’une part, en raison de la réticence de certains Etats membres à imposer des sanctions aux autres Etats, et d’autre part, car les parties à la SDN n’étaient pas formellement obligées de les respecter.

Plusieurs faits ont ainsi marqué l’échec de la Société des Nations. En 1931, l’organisation fut incapable d’empêcher l’invasion de la Mandchourie par le Japon. En 1933, alors que les Etats membres étaient en pleine négociation en vue de leur désarmement, le Japon puis l’Allemagne, qui n’étaient pas favorables aux mesures discutées, quittèrent la SDN. En 1935, l’organisation ne parvint pas non plus à freiner les ambitions de l’Italie d’envahir l’Ethiopie dans le cadre de sa politique coloniale, alors même que ce pays était un Etat membre de la SDN. La discorde au sujet de cet événement mena l’Italie à quitter l’organisation en 1937 et marqua également le point de départ du rapprochement entre Mussolini et Hitler. En 1936, la SDN ne put éviter le déclenchement de la guerre civile en Espagne, guerre qui perdura ensuite jusqu’en 1939. Mais c’est finalement l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale qui donna son coup de grâce à la SDN et fit disparaître l’organisation.

Ainsi, bien que la Société des Nations ait suscité un grand espoir au sein de la société internationale au lendemain du premier conflit mondial, ses faiblesses et ses divers échecs ne lui permirent pas de créer l’état de paix pour lequel elle avait été initialement fondée, le second conflit mondial ayant définitivement fait taire l’enthousiasme pacifique associé à l’organisation. Toutefois, force est de constater qu’en créant un espace de dialogue entre Etats, la SDN eut le mérite de poser les fondations de la coopération internationale actuelle, représentant ainsi la première tentative d’une coordination à l’échelle mondiale dans un objectif de paix. Encore aujourd’hui, la Société des Nations est considérée comme l’ancêtre de l’Organisation des Nations Unies (ONU) qui naquit en 1945.

1 Hervé BROQUET, dir., Les 100 discours qui ont marqué le XXe siècle, André Versaille éditeur, 2008, p. 50.

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