Risque d’intolérance religieuse au Cameroun
Le 3 septembre dernier a eu lieu la remise du rapport de l’International Crisis Group concernant la menace du radicalisme religieux au Cameroun, mais également un double-attentat qui a fait une vingtaine de morts à Kerawa, au nord du pays.
La priorité principale du gouvernement camerounais est la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram. Le Cameroun est en effet aux prises avec Boko Haram dont les actions se concentrent au nord du Cameroun à la frontière avec le Nigéria et le Tchad. Les forces armées camerounaises font parties de la Force Mixte Multinationale (FMM) qui comprend aussi des forces nigérianes, tchadiennes, nigériennes et béninoises. La FMM commence réellement ses opérations ce 11 septembre 2015 avec la prise en charge du premier secteur allant du nord du Cameroun jusqu’au lac Tchad ainsi que la ville de Gambaru située au Nigéria. Ainsi le gouvernement camerounais pleinement engagé dans la lutte contre Boko Haram (qui s’appelle dorénavant le Groupe Etat Islamique en Afrique de l’Ouest depuis son allégeance au groupe Etat Islamique) se concentre seulement sur cette menace extérieure.
Le radicalisme religieux au Cameroun
Dans ce pays un nouveau panorama religieux apparait qui est le reflet des nouvelles dynamiques religieuses actuelles au sein des pays africains en développement notamment. Le premier mouvement en pleine expansion est la pénétration dans la société camerounaise d’un islam fondamentaliste. Il s’agit du wahhabisme, un islam rigoriste d’origine saoudienne, qui monte en puissance et concurrence sérieusement l’islam soufi qui était traditionnellement l’islam pratiqué au nord du Cameroun par les Peuls. Au sein de cette même religion il y a une lutte entre des jeunes du sud du Cameroun arabisés, du fait qu’ils soient formés au wahhabisme au Soudan ou dans les pays du Golfe, et les chefs du soufisme présents au nord. Il s’agit donc d’une lutte d’influence au sein de la communauté musulmane. Le second mouvement en plein essor dans le pays est celui des églises pentecôtistes. Les caractéristiques de ce mouvement selon Sébastien Fath sont le biblicisme (la source centrale de légitimité est la Bible) ; le crucicentrisme (lecture particulièrement dramatique de la Croix de Jésus) ; le militantisme ; et surtout la conversion (refus de l’identité chrétienne par héritage donc c’est un christianisme de conversion – d’où l’expression de « born again »). Ces nouvelles églises ont détrôné le monopole que possédaient les églises catholiques et sont accusées de prêcher une forme d’intolérance religieuse.
Ces deux mouvements religieux ne sont pas en expansion seulement au Cameroun puisque ce sont des mouvements en pleine expansion mondialement. Les églises pentecôtistes possèdent notamment une influence grandissante au niveau mondial, elles sont originaires des Etats-Unis et sont fortement présentent au Brésil, dans la partie sud du continent africain et en Asie de l’est. L’expansion de ces deux mouvements religieux au Cameroun conduit à un repli sur soi-même de la part des différentes communautés. Des conflits peuvent alors apparaître entre ces dernières ou même au sein d’une même famille. Ces mouvements prosélytes favorisent l’intolérance religieuse dans un pays qui présente déjà plusieurs communautés distinctes (par exemple dans certains quartiers de la capitale Yaoundé ce sont 11 communautés religieuses différentes qui se côtoient). Le rapport de l’International Crisis Group propose quelques recommandations pour éviter que le pays soit face à une crise interne. Il préconise ainsi au gouvernement camerounais par exemple « d’œuvrer à une meilleure surveillance du prosélytisme fondamentaliste, de soutenir les associations de dialogue interreligieux et améliorer la sensibilisation des populations ». Boko Haram représente donc, à juste titre, pour le Cameroun la menace la plus sérieuse mais ce dernier ne doit pas pour pourtant oublier ses propres menaces internes du fait des communautés de plus en plus radicalisées.