EconomieNotionsRessources

L’asymétrie d’information, épine dans le pied de la concurrence pure et parfaite

Shares
Publicité pour la Citroën Visa, 1976
Publicité pour la Citroën Visa, 1976

N’avez vous jamais eu la désagréable impression de vous être fait rouler lorsque votre nouvel achat se retrouve hors d’usage au bout d’une semaine? En langage savant vous avez été victime d’une asymétrie d’information, autrement dit vous en connaissiez moins sur le produit que vous avez acheté que le vendeur qui vous l’a vendu. Vous pensiez faire une affaire en trouvant un produit de bonne qualité à un prix défiant toute concurrence mais dans les faits la qualité n’était pas au rendez-vous. Cet exemple illustre un dysfonctionnement de marché, où la concurrence pure et parfaite a été faussée par l’une des deux parties disposant d’une information que l’autre ne détenait pas. L’asymétrie d’information semble inhérente à toute transaction commerciale. Quelles conséquences pour les échanges et comment y remédier?

L’économiste américain George Akerlof publie en 1970 un article intitulé : “the Market for Lemons : Quality, Uncertainty and the Market Mechanism” (le marché des voitures d’occasion : qualité, incertitude et mécanisme de marché). Il prend l’exemple du marché des voitures d’occasion pour illustrer les conséquences néfastes de l’asymétrie d’information. Il fait l’hypothèse que les acheteurs ne sont pas capables d’évaluer la qualité des voitures présentes sur le marché. Dans la réalité, certes le compteur tourne, mais il est vrai que pour un particulier il est difficile d’évaluer parfaitement la qualité d’une voiture. En effet, il existe toujours un doute qu’elle présente un défaut caché. Cette hypothèse est donc plausible.

Pour simplifier Akerlof considère qu’il existe deux types de voiture, celles de bonne qualité et celles de mauvaise qualité. Avec deux marchés distincts chaque type de voiture a son propre prix correspondant à sa qualité. Le consommateur paye ainsi selon la qualité qu’il désire, chacun y trouve donc son compte. Cependant, sans régulation il peut être tentant pour le vendeur de voiture de mauvaise qualité (lemon) d’aller vendre plus cher sa voiture sur le marché des voitures de meilleure qualité. Puisque les acheteurs ne peuvent discerner les deux types de voiture, il est fort probable qu’il réussisse à vendre sa voiture au prix fort. Par conséquent, les deux marchés distincts vont donc de fait fusionner. Le prix appliqué sur l’unique marché des voitures d’occasion sera alors une moyenne du prix élevé et du prix bas pondérée par la proportion de chaque type de voiture. Ce prix moyen sera donc compris entre le prix élevé et le prix bas, de sorte que les vendeurs de voiture de bonne qualité seront perdants. Comme ce prix constituait un prix d’équilibre en dessous duquel ils n’étaient pas disposés à vendre, les vendeurs de voiture de bonne qualité, préférant alors garder leur voiture, vont disparaître du marché. Les économistes nomment ce phénomène la sélection adverse ou l’anti-sélection, les produits de mauvaise qualité chassent les bons produits. Le consommateur est in fine perdant puisqu’il perd la possibilité d’acheter une voiture de bonne qualité.

Pour éviter la sélection adverse, une des solutions serait d’instaurer un système de garantie en cas de panne pour les voitures de bonne qualité qui se verraient ainsi signalées aux yeux des acheteurs. Les bons vendeurs reconstitueraient deux marchés distincts. En effet, les mauvais vendeurs ne seraient pas gagnants à proposer eux aussi une garantie, puisque les voitures qu’ils vendent tomberont en panne plus souvent, la garantie leur ferait perdre de l’argent. Michael Spence, économiste américain, fut un des premiers à développer cette théorie du signal. Il publie en 1973 “Job Market Signaling” dans lequel il analyse le diplôme comme un signal sur le marché du travail qui permet aux employeurs de distinguer les personnes censées être plus productives que les autres. Par conséquent, les employeurs rémunéreront mieux les personnes diplômées avec l’espoir de recruter une personne très productive. Michael Spence fait l’hypothèse supplémentaire qu’il est plus facile pour les personnes très productives d’acquérir un diplôme. Celles-ci seront donc incitées à s’instruire pour obtenir un salaire reflétant leur productivité au travail.

Le diplôme agit sur le marché du travail comme un signal, à l’image de la garantie sur le marché automobile. Le signal permet ainsi de corriger l’asymétrie d’information et donc d’éviter la sélection adverse. La théorie de l’efficience du libre marché repose en partie sur l’absence d’asymétrie d’information, or celle-ci représente plus une exception que la règle. Les travaux d’Akerlof et Spence nous permettent de mieux comprendre les imperfections du marché et esquissent des pistes pour y remédier. La Banque de Suède a reconnu l’importance de leurs travaux en leur octroyant le Prix Nobel d’économie en 2001.

Pour aller plus loin : Markets with Asymmetric Information, note de la royale Académie des Sciences suédoise

Shares

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Centre de préférences de confidentialité

    Necessary

    Advertising

    Analytics

    Other