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Crises et conflits en Centrafrique

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Parfois réduits à leur dimension religieuse (séléka contre anti-balaka), les cycles de violence en République centrafricaine obéissent à des facteurs multiples, plus ou moins anciens et parfois exogènes.  Les Yeux du Monde vous propose une cartographie synthétique des forces de fragmentation à l’oeuvre dans le pays et la région depuis 2005.

LYDM CENTRAFRIQUELes défaillances de l’Etat dans le contrôle de son territoire

Comprendre l’organisation territoriale de la Centrafrique permet de mieux saisir l’instabilité chronique qui caractérise le pays. Les frontières actuelles datent de 1939 et se caractérisent par leur extrême porosité. D’autre part, le pays est marqué par un fort déséquilibre entre l’est très faiblement peuplé et l’ouest qui concentre l’essentiel de la population. A cela il faut ajouter la forte macrocéphalie de Bangui qui implique un exercice de l’Etat circonscrit aux environs de la capitale  et se faisant donc au détriment des périphéries. La conjugaison de ces éléments témoigne de la déliquescence de l’autorité de l’Etat en Centrafrique dont ont su se jouer les principaux groupes rebelles formés aux marges du pays.

C’est à partir de 2005 que les rébellions opposées au pouvoir du président François Bozizé commencent réellement à se structurer. Parmi celles-ci, on peut noter l’Armée populaire pour la restauration de la démocratie (APRD), le Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC), la Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP), l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR) ou encore la milice KARA. Avant la constitution de la Séléka, ces différentes rébellions se caractérisent par leur importante fragmentation. Ainsi, l’APRD, créée sous l’instigation d’Ange-Félix Patassé en 2005 (chassé du pouvoir à la faveur du putsch de Bozizé) a pu fonctionner comme un Etat dans l’Etat bien que n’ayant pas formulé de revendications sécessionnistes. Beaucoup moins structurées, les rébellions du nord-est se caractérisent par une compétition acharnée pour l’accès aux ressources (minerais et pâturages notamment). Faute de revendications politiques claires et communes, l’Islam a pu constituer le ciment unificateur entre ces différentes factions dans le cadre de la constitution de la Séléka (E.Chauvin).

Un système régional de conflits

Aux défaillances internes, viennent s’ajouter des forces déstabilisatrices venues de l’extérieur. La Centrafrique apparait ainsi comme le «déversoir» de milices, bandits et combattants en tout genre, qui voient dans le pays un théâtre d’opération où se recycler. C’est notamment le cas pour les anciens combattants issus du conflit Tchad-Darfour depuis la pacification relative entre les deux protagonistes en 2010 (Roland Marchal). La Séléka a également pu bénéficier d’un soutien régional notamment de la part du Soudan ou du Tchad. Accusé de collusion avec la Séléka, le jeu d’alliances pratiqué par le Tchad depuis plus d’une décennie témoigne surtout de sa volonté de s’assurer des frontières sécurisées avec la Centrafrique. En effet, après avoir envoyé un détachement pour protéger Patassé en 1997, le Tchad avait ensuite aidé Bozizé à s’emparer du pouvoir en 2003 pour finalement apporter son soutien à la Séléka en 2013 tant la sécurité à la frontière Tchad/Centrafrique n’avait jamais pu être assurée par les présidents successifs.

Le conflit de 2013

Il convient donc d’avoir à l’esprit ces éléments pour lire la crise de 2013 et ne pas essentialiser le facteur religieux, initialement peu présent. Le groupe désigné sous le terme d’anti-balaka réunit à l’origine des groupes d’autodéfense villageoises contre les coupeurs de route. Ce n’est que dans un second temps que ces milices vont former des milices pro-Bozizé et basculer dans l’intolérance religieuse pour certaines. De la même façon, des communautés villageoises musulmanes ont pu subir des pillages perpétrés par des forces affiliées à la Séléka. Les frustrations économiques et sociales, la mal-gouvernance, la violence quotidienne ou encore l’extrême pauvreté sont autant de motifs de mobilisation pour les protagonistes alors que le facteur religieux n’est parfois qu’un prétexte.

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