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La réforme du Conseil de Sécurité de l’ONU (2/2)

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les membres du G4, principaux protagonistes à l'élargissement
les membres du G4, principaux protagonistes à l’élargissement

Dans un article précédent, nous avons souligné les nombreux débats et enjeux que soulevait la question de la réforme du Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU). Le présent article vise à démontrer que malgré la volonté commune de réforme, aucun consensus n’existe quant à la forme concrète qu’elle prendrait, tant le statut de membre permanent offre un avantage stratégique dans les relations internationales.

Une éventuelle réforme ne serait donc pas aussi simple qu’il y paraît, puisqu’il n’existe pas à proprement parler une seule et même réforme. En fonction des pays et de leurs relations, différents élargissements sont envisagés, par les membres déjà permanents comme par les nouveaux aspirants. De manière générale, du point de vue des permanents, l’idée est de mieux représenter les émergents ainsi que de faire figurer les deux puissances depuis longtemps repenties de la 2nd GM. Se forme ainsi le groupe dit du G4 regroupant l’Inde, le Brésil, le Japon et l’Allemagne. Or, non seulement l’ensemble des membres permanents ne sont pas d’accord pour un élargissement (seuls la France et le RU poussent véritablement en ce sens), mais en plus de cela les émergents déjà permanents, Chine, en tête, verraient d’un mauvais œil la fin de leur monopole en matière de veto… – ce qui là encore relativise la cohésion des BRICS.

A ces rivalités politiques s’ajoutent celles économiques et géographiques : si l’Allemagne et la Japon accédaient au statut de membre permanent, des pays « moyens » équivalents, à l’image du Canada ou de la Corée du Sud, aspireraient à leur tour à faire parti du cercle fermé. De la même manière, Pakistan et Mexique verraient d’un mauvais œil leurs voisins indiens et brésiliens acquérir sur eux un décisif avantage statutaire vecteur d’une influence nouvelle.

Ainsi, ouvrir le CSNU, ne serait-ce qu’à un membre, reviendrait à ouvrir la boite de Pandore.

En effet, quel que soit le ou les pays considéré(s), l’accès de nouveaux membres au statut permanent briserait l’actuel statut quo, toujours paré de sa légitimité historique. Le CSNU demeure largement une photographie des rapports de force au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, et paradoxalement, cet aspect qui attise les principales critiques est aussi celui qui, entre autres, permet à la situation établie de perdurer… A défaut d’élargissement, une modération des compétences du CSNU au profit de l’Assemblée Générale des Nations Unies a un temps été évoqué, de même qu’une limitation des sujets potentiellement soumis à veto du CSNU. Mais là encore, donner à l’AG un véritable pouvoir décisionnaire aboutirait à une paralysie permanente des organes de l’ONU, tant les rivalités et intérêts de chaque pays risqueraient d’entrer en conflit.

Même dans le cas d’un élargissement aux pays que sont l’Inde ou le Brésil, leur politique étrangère actuelle, largement fondée sur le respect de la souveraineté et le refus de l’ingérence, amène à s’interroger sur l’éventuel usage systématique du veto qu’ils feraient dans le cas de situations similaires à celles syrienne et ukrainienne…

Aussi, loin d’être pleinement satisfaisante, l’actuelle configuration du CSNU ne semble cependant pas prête de changer dans un futur immédiat, tant les enjeux sous-jacents sont complexes. A moyen-terme, la solution la plus satisfisante serait peut être celle de la France et du Royaume-Uni, qui depuis 2008 proposent de soumettre les membres du G4 à une « période de test » (idée d’une réforme intérimaire). Une période pendant laquelle ces pays auraient accès à un mandat allongé au sein du CSNU – sans droit de veto – et au bout de laquelle ils auraient, éventuellement, la possibilité de devenir membre de façon permanente. Mais là encore, la question se poserait, membre permanent, avec ou sans veto ?…

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