Qu’est ce que la CPLP ?
Alors que les autorités françaises, dans le cadre de la diplomatie économique, tentent de relancer sur des bases sereines la Francophonie, un mouvement similaire s’esquisse autour de la lusophonie. Les membres de la Communauté des Pays de Langue Portugaise (CPLP), réunis à Dili (Timor-Oriental) pour le 10ème sommet de chefs d’État et de gouvernement, ont en effet acté la nécessité d’une stratégie économique globale pour peser dans les échanges mondiaux. L’occasion de s’interroger sur ce qu’est la CPLP et autour de quels objectifs elle s’articule.
Créée en juillet 1996, la CPLP, en plus de la Guinée-Équatoriale donc, est composée de l’ensemble des pays ayant pour langue officielle le portugais. S’y trouvent donc le Brésil, le Timor-Oriental, la Guinée-Bissau, le Mozambique, l’Angola, le Portugal, Cap-Vert et Sao Tomé-et-Principe. L’ensemble de ces pays est fédéré autour de trois grands objectifs. Le premier d’entre eux vise à développer l’usage de la langue portugaise dans le monde (via des instituts) et à harmoniser ses différentes variantes locales afin d’en faire un outil homogène et cohérent. Une cohérence qui doit permettre – deuxième objectif – à ses différents membres de mener sur la scène internationale une politique convergente afin de mieux peser sur les enjeux mondiaux. L’attachement commun à la langue portugaise sert ainsi d’état de fait justifiant, par exemple, l’intérêt du Brésil pour le Mozambique, fussent-ils éloignés géographiquement. Enfin, sur un plan national, l’accent est mis sur la coopération en matière de santé, de développement économique, d’éducation ou encore de recherche scientifique.
Si l’on recoupe ces objectifs avec la grande hétérogénéité des pays membres, l’on comprend que chaque État poursuit en fait avec la CPLP des objectifs propres. Pour les pays les plus développés, le Brésil notamment, l’intérêt est surtout à considérer en terme de politique étrangère. La CPLP lui offre un équivalent à la Francophonie ou au Commonwealth, aujourd’hui véritables vecteurs de « soft power ». Avec une CPLP présente sur la quasi-totalité du globe (Amérique du Sud, Europe, Afrique et Asie du Sud-Est), chaque pays membre doit ainsi servir, sur chaque continent, de tête de ponts aux autres membres, Brésil en tête. L’appartenance à une même communauté linguistique permet donc à ce pays en quête de reconnaissance sur la scène internationale d’étendre quasi mécaniquement son aire d’influence.
Pour les Portugais, l’enjeu est celui d’un rattrapage tant économique que symbolique. L’investissement du pays dans la CPLP participe d’un effort plus large de réappropriation décomplexée du passé colonial. La coopération avec ses partenaires lusophones complète un dispositif global notamment marqué sur la scène éducative par la place accrue donnée aux territoires maritimes (une nouvelle carte représentant les mers territoriales a été distribuée dans toutes les écoles du pays). D’un point de vue économique, nombreux sont les Portugais à profiter de la langue commune pour tenter leur chance en Angola ou au Mozambique, qui connaissent une croissance importante (en 2013, 5,1% en Angola et 7% au Mozambique, contre une baisse de 1,4% au Portugal).
En ce qui concerne les pays africains et le Timor-Oriental, il s’agit surtout de considérer la CPLP comme une locomotive vecteur d’investissements étrangers et de modernisation de l’économie. On peut ici citer les nombreux investissements brésiliens au Mozambique, concentrés dans le domaine agricole et les biocarburants. À l’échelle continentale, le regroupement de plusieurs pays en une seule organisation permet aussi de faciliter les échanges avec les puissances mondiales. La Chine, très présente en Afrique, participe ainsi à des sommets ou forums de la CPLP et noue des liens profonds avec certains de ses membres à l’image de l’Angola, où une coopération en matière d’infrastructures (publiques et logement), d’agriculture et d’énergie (l’Angola est le deuxième producteur de pétrole du continent) est déjà largement engagée.
La CPLP s’insère donc dans le jeu des grands ensembles linguistiques mondiaux qui se structurent et s’institutionnalisent de manière continue. Parmi eux, elle se distingue par un fonctionnement plus décentralisé, où malgré le leadership du Brésil l’on ne distingue pas de réelle hiérarchie entre un centre et sa périphérie.