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Le « sharp power » : soft power des régimes autoritaires?

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Joseph Nye a théorisé les concept de « hard power » (la puissance par la contrainte) et de « soft power » (la puissance par la séduction) en 1990 dans son ouvrage Bound To Lead. Sa grille de lecture a ainsi été prédominante dans la description des relations géopolitiques après la Guerre froide. Elle pourrait aujourd’hui s’enrichir par l’ajout du « sharp power », utilisation dévoyée du soft power par les régimes autoritaires

Vladimir Poutine et Xi Jinping

Le National Endowment for Democracy (NED) a publié en novembre 2017 un rapport dénonçant la fonction « subversive et corrosive » des investissements russes et chinois à l’étranger pourtant présentés comme composante de la puissance douce. Cette fondation américaine met ainsi en garde les démocraties du monde contre la menace des régimes autoritaires. Ses travaux dénoncent la manipulation de l’opinion sous-jacente à la présence à l’étranger de ces deux figures de proues autoritaires.

Ce nouveau concept du « sharp power » s’observe de fait en Amérique Latine et en Europe centrale selon le rapport. Ses auteurs critiquent, par exemple, le rôle des agences liées au PCC en charge de la diplomatie chinoise en Amérique latine. Les instituts Confucius, les événements culturels dans le cadre de « l’année des échanges culturels sino-latino américains », les programmes d’échanges académiques et de formation des journalistes sont dénoncés pour leur rôle d’instruments de Pékin imposant une certaine vision – son consensus de Pékin (2). La Chine finance notamment des médias, des acteurs de la société civile et forme les élites locales. Malgré un discours dépolitisé promouvant la coopération culturelle, le dragon chinois espère en réalité empêcher toute critique de son modèle.

En revanche, le NED expose la volonté de désinformation russe dans son environnement proche. Plutôt que de vouloir magnifier son image, Moscou choisit de ternir celle des démocraties. Dès lors, les Russes attisent les feux de la discorde en Pologne et en Slovaquie, via notamment des articles de Russia Today publiés directement par des sites locaux. Grace à sa maitrise du cyberespace, la Russie peut également faire usage de son « sharp power » pour influencer insidieusement des élections ou des référendums.

Or, les démocraties sont en position de faiblesse dans ce conflit portant sur le champ des idées. Puisqu’elles se caractérisent par l’ouverture et le débat libre, elles ne peuvent se prémunir des idées répandues par les régimes autoritaires. En les censurant, elles connaîtraient une dérive anti-démocratique, telles qu’elles sont justement pratiquées par la Chine ou la Russie (3). Par conséquent, le NED présente le « sharp power » comme l’apanage des régimes autocratiques. Rappelons toutefois que ce même institut, créé en 1983 par les Etats-Unis pour consacrer leur « soft power », n’a pas appliqué ce nouveau prisme géopolitique à la diplomatie américaine. Une telle analyse manque donc d’objectivité, et reste à nuancer.

 

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