Tiers-Monde et émergents

Décolonisations africaines, entre conflits directs et paix négociées (2/2)

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Nous avons évoqué dans un précédent article les décolonisations relativement pacifiques au Sud du Sahara. Au Nord, elles sont plus anciennes mais surtout bien plus disputées.

H. Bourguiba, père de la Tunisie moderne et indépendante
H. Bourguiba, père de la Tunisie moderne et indépendante

En Afrique du Nord, tout comme pour les Révolutions de 2011 (le parallèle s’arrêtant là), c’est la Tunisie qui a initié les mouvements vers l’indépendance. Contrairement à ce que beaucoup pensent, c’est bien avant la Seconde Guerre mondiale que la Tunisie fit acte d’indépendance vis-à-vis de la France, notamment à travers le mouvement politique du Néo-Destour dirigé par Habib Bourguiba. Le Front populaire au pouvoir en France dès 1936 n’y est pas insensible, mais se heurte à un rejet massif de l’opinion publique française. Au sortir de la guerre, H. Bourguiba continue sa lutte, mais c’est la défaite française en Indochine qui précipite les choses. Sans véritable négociation, une autonomie est accordée à la Tunisie en 1954, puis l’indépendance en 1956. Un destin similaire se produit également au Maroc : premières revendications d’un mouvement non encore majoritaire (l’Istiqlal au Maroc), soutien plutôt appuyé des instances locales, erreurs françaises (emprisonnement du sultan, véritable figure locale), puis indépendance en 1956.

La tension somme toute relative dans ces deux protectorats français tranche véritablement avec l’opposition forte régnant dans la colonie algérienne. Les insurrections locales y sont plus violentes, tout comme les réponses du gouvernement français local. Mais, contrairement aux voisins marocain et tunisien, l’Algérie ne voit pas d’évolution venir à partir de 1954. En effet, le contexte est fort différent. D’une part, l’Algérie est très importante pour l’économie française, notamment en raison de ses matières premières. D’autre part, il s’agit d’une véritable colonie de peuplement, car près d’un million d’Européens, les fameux pieds-noirs, y résident et sont très impliqués dans l’économie locale. Pour ces deux raisons majeures, une autonomie voire une indépendance sont impensables côté français. Côté algérien, dès 1954, la radicalisation des mouvements indépendantistes intervient, via notamment le renforcement du Front de libération Nationale (FLN), ouvertement anticolonialiste. La souveraineté de l’Algérie, selon le FLN, nécessite la restauration d’un État démocratique, fondé sur les principes islamiques, mais qui laissera le choix aux pieds noirs de rester en Algérie voire d’en acquérir la nationalité.

En France, il semble que la montée en puissance du FLN ait été mal anticipée. La IVe République, fortement instable, répond au FLN par la violence sans réel plan de négociation. Un contingent de près d’un million d’hommes au plus fort de la guerre est envoyé à partir de 1956. Mais la France s’est engagée dans une guerre qu’elle ne peut pas gagner, car trop fortement affaiblie par la perte de l’Indochine et les négociations avec les protectorats du Maghreb. Même l’arrivée au pouvoir du Général de Gaulle et le passage à la Ve République n’apporte pas, à très court terme, de réel changement dans la position française. Madis, poussé par une opinion publique toujours plus réticente à l’idée de poursuivre cette guerre, de Gaulle cède aux pressions et reconnaît l’autodétermination puis l’indépendance à l’Algérie, via les accords d’Evian de 1962. L’exil d’une majorité de pieds noirs, nostalgiques de l’Algérie française, intervient. Depuis plus d’un demi-siècle, les relations n’ont été que très rarement au beau fixe entre la France et son ancienne colonie.

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