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Big Data et manipulations électorales : l’affaire Facebook/Cambridge Analytica

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Introduction sur la quatrième thématique : Technologie et Mondialisation

 

Le déclin et la survie des civilisations ont souvent été corrélés à travers la maîtrise du progrès technique. Aujourd’hui plus que jamais,  les échanges mondialisés reposent sur la technologie. Quiconque voudrait s’en passer se trouverait démuni face à la rapidité, voire l’instantanéité de communication qu’offrent nos moyens modernes. L’impact de la technologie dans la mondialisation peut s’observer dans tous les domaines : la défense, les relations sociales, la santé, l’industrie automobile, les défis écologiques auxquels elle fait face tout autant qu’elle y prend part… Les Hommes vivent aujourd’hui dans un monde urbain, interconnecté, mobile grâce à ces avancées.

La technologie peut même parfois, toujours dans ce contexte de mondialisation, revêtir un caractère politique comme l’affaire de détournement de données par Cambridge Analytica[1] qui aurait pesé pour la victoire du « leave » lors du référendum britannique de juin 2016. L’article-exemple du jour ci-dessous est consacré à cette polémique.

Si ces progrès nous permettent des échanges plus larges, une meilleure convergence de nos connaissances, de meilleures opportunités individuelles et collectives parfois, ils sont aussi questionnés. En écho à l’affaire Cambridge Analytica, l’influence des acteurs GAFA – Google, Apple, Facebook, Amazon, les entreprises qui dominent le marché du numérique – a été particulièrement mise en cause lorsque le gouvernement du Danemark a nommé un ambassadeur numérique auprès de ces multinationales, les érigeant ainsi au rang de puissances diplomatiques. Quel contre-pouvoir face à cela ?

Plus loin encore, tout notre système de fonctionnement urbain est en mutation. Durant sa conférence « Les villes intelligentes : fantasme ou réalité ? » retransmise sur France Culture en juin 2017[2], le scientifique et universitaire franco-colombien Carlos Moreno a présenté son analyse de ces smart cities, dont il a fait sa spécialité. Quelles améliorations réelles peut apporter une ville régie par la technologie ? Quelles conséquences sur la fracture numérique ou le lien social ?

La technologie est donc un thème vaste car aucun secteur n’y échappe. Mais si elle pose autant de questions qu’elle n’apporte de réponses, il s’agit d’un pilier de la mondialisation aujourd’hui incontournable et sans marche arrière possible.

[1] Sonia Delesalle-Stolper, « Sans Cambridge Analytica il n’y aurait pas eu de Brexit », Libération, 26 mars 2018.

[2] France Culture, Conférence de Carlos Moreno – La ville intelligente : fantasme ou réalité ?, 19 juin 2017.

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L’une des conséquences directes de l’usage mondialement répandue d’internet et des réseaux sociaux est l’émergence du Big Data [3]. Un ensemble de données qui offre des possibilités inédites en termes d’analyses ou de manipulation des tendances qui traversent la population.

Cambridge Analytica a permis les victoires de Trump et du du Brexit selon Christopher Wylie

Certaines sociétés consacrent leur activité à l’exploitation partielle des données issues du Big Data. C’est le cas de Cambridge Analytica, au cœur d’un scandale depuis plusieurs semaines. Spécialisée dans l’analyse de données à grande échelle et le conseil en communication, elle se donne pour mission « de changer le comportement grâce aux données ».

Le 16 mars 2018, Christopher Wylie, employé de Cambridge Analytica, a révélé que la société avait capté les données d’environ 50 millions d’utilisateurs de Facebook sans leur consentement. Ces révélations ont affecté l’entreprise : trois jours plus tard, le réseau social avait perdu 30 milliards de dollars à la bourse de New York. Les informations ont apparemment été obtenues grâce à un test de personnalité. Par ce biais, les internautes autorisaient à la fois la captation de certaines de leurs données (comme leur lieu d’habitation ou les contenus aimés), mais aussi certaines infos de leurs amis, quand leurs paramètres le permettaient. Facebook avait, en 2015, exigé la suppression de l’ensemble des données par la société. Or, selon Christopher Wylie, Cambridge Analytica ne les aurait jamais supprimées.

Cambridge Analytica aurait permis les victoires de Donald Trump et du Brexit

Au-delà de l’illégalité dans laquelle ces données ont été obtenues, l’aspect le plus inquiétant de l’affaire est la manière dont elles ont été utilisées. Christopher Wylie a expliqué que quand Steve Bannon était devenu leur client, « la recherche [était] devenue beaucoup plus spécifique : mettre en place une narration pour ce qu’on appelle aujourd’hui l’alt-right ». Son but était double : assurer la victoire du Brexit et celle de Donald Trump. Dans les deux cas la méthode était simple : « Vous trouvez un groupe qui est plus susceptible qu’un autre de croire aux théories conspirationnistes, puis vous le nourrissez avec les rumeurs qu’il attend. » [4]

Cela a, par exemple, été le cas pendant la campagne présidentielle américaine, avec la rumeur selon laquelle Barack Obama refuserait de quitter la Maison Blanche si Donald Trump était élu. Pendant la campagne du Brexit, le mouvement « Vote Leave » a investi 40% de son budget dans ce type d’action. Selon Christopher Wylie, le rôle de Cambridge Analytica dans ces élections a été essentiel. Ni le Brexit, ni la victoire de Trump n’aurait pu se réaliser sans son intervention. Le lanceur d’alerte décrit ainsi la société comme « la machine à retourner le cerveau de la guerre psychologique de Steve Bannon ».

[3] Le Big Data peut être défini comme un ensemble très volumineux de données qu’aucun outil classique de gestion de base de données ou de gestion de l’information ne peut vraiment exploiter.
[4] Sonia Delesalle-Stolper, « Sans Cambridge Analytica il n’y aurait pas eu de Brexit », Libération, 26 mars 2018.

 

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Jordi LAFON

Journaliste indépendant et analyste géopolitique, diplômé d'un double master géoéconomie (IRIS) et affaires européennes (Paris 8), membre du Groupe d'Etudes Géopolitique. Spécialiste du Brexit et des questions européennes.

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