Enseignement supérieur français et mondialisation
L’actuelle réforme du collège provoque en France un vif débat, de nombreux détracteurs dénonçant une dérive «utilitariste » transformant l’école en simple antichambre préparatoire aux besoins d’une nouvelle économie bouleversée par la mondialisation et l’ère numérique. L’adaptation de l’école à ces changements ne se limite cependant pas au secondaire et l’enseignement supérieur se trouve lui aussi affecté. La presse se fait ainsi régulièrement l’écho d’une fuite des jeunes étudiants français, attirés par de meilleures perspectives d’emploi comme de débouchés que proposeraient d’autres grandes puissances mondiales, Etats-Unis en tête.
En effet, le nombre d’étudiants français (18-25 ans) à l’étranger a progressé de 14% entre 2008 et 2013 pour s’établir aujourd’hui aux environs de 160 000 jeunes. Si la perspective d’un brain-drain des forces vives françaises est donc agitée, le problème doit se poser de manière plus dynamique. Ainsi convient-il de prendre en compte l’attractivité du territoire français vis-à-vis de l’étranger afin de se faire une idée précise du tableau. Le bilan apparaît alors plutôt positif avec une France située parmi les trois premiers pays mondiaux d’accueil, avec en 2012 plus de 271 000 étudiants, soit près de 7% du total d’étudiants en mobilité dans le monde. Selon une enquête de l’OCDE, 95% des étudiants étrangers plébiscitent la France en raison de la qualité de ses enseignements. La France figure donc en plutôt bonne position au sein d’une compétition dominée par les pays anglo-saxons (1er USA, 2nd Royaume-Uni, 4ème Australie).
Dans ce contexte, quels outils la France et l’Europe développent-elles ?
Un des enjeux les plus clairs de cette concurrence renvoie à l’existence de classements internationaux de formation, qui en attirant les meilleurs élèves font partie intégrante des stratégies nationales de compétitivité, pour peu que l’accès à la recherche et aux grandes entreprises soit par la suite lui aussi valorisé et favorisé. De ce point de vue, les classements anglo-saxons et celui désormais réputé de Shanghai, bien que critiquables dans leur méthodologie, défavorisent clairement l’attractivité du territoire français : le premier établissement français classé, l’Université Pierre et Marie Curie, se classe seulement 35ème. En réponse à cela, les pouvoirs publics français et européens se coordonnent afin de produire leur propre classement. Classement européen, U-multirank, déjà opérationnel mais amené à évoluer, se veut ainsi plus englobant en complétant le seul critère des publications scientifiques par la qualité des formations, l’insertion professionnelle, les relations avec la société civile et le territoire ainsi que l’ouverture internationale. Un projet qui côté français se traduit par l’initiative de Cartographie des Etablissements de Recherche et d’Enseignement Supérieurs (CERES).
L’enjeu principal est donc celui de la visibilité internationale et en France cela passe également par des regroupements d’établissements. L’idée est de rationaliser les différentes structures pour des financements plus efficaces, des synergies dans les enseignements et une meilleure lisibilité à l’international. Les PRES (Pôle de Recherche et d’Enseignement Supérieur), devenus sous l’impulsion de l’actuel gouvernement les Comue (communauté d’universités et établissements) sont l’outil privilégié de cette politique. L’exemple le plus fameux est ici Paristech, qui regroupe 12 écoles de commerce et d’ingénieurs parisiennes (HEC, Polytechnique, les Mines, Arts et métiers, AgroParisTech…) :
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Visibilité pour l’étranger : la procédure de recrutement est unique pour l’ensemble de ces écoles.
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Pluridisciplinarité : les synergies sont encouragées avec la possibilité pour un même élève de mener des doubles diplômes complémentaires.
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Recherche : 126 laboratoires de recherche, des enseignants-chercheurs qui par leurs publications contribuent à l’attraction du pôle. Une partie de ParisTech s’intègre dans le projet de cluster Paris-Saclay qui vise à devenir le véritable cœur de l’innovation française en créant un éco-système où universités, laboratoires et entreprises se côtoient afin de favoriser les synergies et coopérations. Des start-up y côtoient ainsi les principales entreprises du CAC 40, tout comme de nombreuses multinationales étrangères (ENI, BMW, Siemens, GE…).
Le plateau de Saclay est ainsi devenu un des principaux pôles de R&D mondiaux en concurrence avec Stanford ou le MIT : il représentait en effet déjà 6 000 publications en 2009 contre 4 530 pour le MIT et 6 500 pour Stanford. De même, le plateau représente déjà la plus grosse concentration mondiale de chercheurs avec 9200 d’entre eux en 2010 contre 4 500 au MIT. Si Saclay se destine à être à la pointe de ce mouvement, l’ensemble des Comue ou des fusions d’universités (Aix-Marseille en 2012) répondent de cette logique de visibilité et d’écosystème favorable à l’innovation.
Des exemples qui témoignent de l’effort français pour s’insérer dans le jeu mondial de l’enseignement supérieur, caractérisé tant par son approche plus complète de l’université que par sa dimension européenne, cet échelon apparaissant ici particulièrement pertinent face aux grands ensembles américain et asiatique.