La formation des frontières lors des indépendances latino-américaines
Le construction des frontières moment des indépendances américaines vis-à-vis de la Couronne Espagnole a dirigé les relations inter-étatiques du continent au cours du XIXe siècle. Retour sur la construction des démarcations territoriales de ces nouveaux États, notamment autour du principe « uti possidetis ».
Au début du XIXe siècle, l’invasion napoléonienne en Espagne aura pour effet de déstabiliser la monarchie espagnole. Celle-ci se trouva séparée de son immense Empire outre-Atlantique et vit s’enclencher un mouvement d’insurrection des colonies américaines envers la métropole. De 1810 à 1825, plusieurs révolutions éclatent sur le continent notamment autour de figures emblématiques telles que Simón Bolívar, José de San Martín ou Bernardo O’Higgins. Ce processus aboutît au démembrement de l’Empire Espagnol et à la création de nombreux pays malgré les tentatives de la part de la Couronne de récupérer ces territoires perdus. C’est d’ailleurs à cette époque – précisément le 2 décembre 1823 – que le président des États-Unis, James Monroe, profita de ces événements pour énoncer sa « doctrine », condamnant toute intervention européenne sur l’ensemble du continent américain.
La carte des frontières du continent américain est directement liée à l’administration politique espagnole (et portugaise pour le Brésil) de ses colonies. La difficulté quant-à la définition de ces démarcations territoriales tient au fait que contrairement à ce qui s’est passé en Europe, l’État (ou plutôt l’administration coloniale) a précédé la Nation en Amérique. Lorsque les Colonies d’Amérique déclarèrent leurs indépendances, elles adoptèrent le principe uti possidetis juris, avec l’objectif de prouver que les frontières des nouvelles Républiques correspondaient à celles de anciennes provinces auxquelles elles s’étaient substituées. L’expression latine uti possidetis en droit romain servait quant-aux questions de possession privée. L’idée de base de ce principe est « vous posséderez ce que possédiez déjà ». Dans l’esprit des diplomates, le territoire délimitant une ancienne colonie – la Capitainerie Générale du Chili par exemple – devait continuer à être le même en raison d’un état de possession effective du territoire. Par l’usage de ce principe, les pays nouvellement indépendants devaient s’appuyer sur un maillage politique déjà existant et ainsi éviter des conflits.
Une conception juridique des frontières qui assura une relative stabilité régionale
Au XIXe siècle, ces jeunes Républiques entamèrent une phase de construction d’Etats-Nations. Les frontières de droit mirent du temps à être des frontières de fait pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le faible peuplement du continent laissant d’immenses inhabités voire inexplorés a entretenu un flou quant-aux limites effectives entre chaque région. De plus, les frontières tracées, qui étaient auparavant la division d’un seul pays, ne correspondaient pas au frontières ethniques indigènes. Enfin, les nouveaux États luttèrent entre eux pour s’approprier les nombreuses richesses du continent et s’affirmer sur la scène continentale. Ainsi, lors de la Guerre du Pacifique (1879-1884) pour les richesses du désert d’Atacama (nitrate, cuivre) entre le Chili et l’alliance du Pérou et de la Bolivie, cette dernière perdit son accès à l’Océan Pacifique. Le XIXe siècle constitue la volonté de ces jeunes pays de s’affirmer dans un espace régional en mutation démographique, économique et politique. Les conflits frontaliers américains à cette époque tiennent plus à l’adaptation à la réalité de frontières tracées sans réel fondement géographique ou historique.
Par cette construction singulière de ses frontières, l’Amérique Latine s’est assurée une relative stabilité par rapport à d’autres régions du monde, les guerres frontalières américaines ayant toujours impliqué deux à trois pays au maximum pour des questions précises. C’est ce qui permet aujourd’hui au continent d’être actuellement l’un des plus dynamiques. D’ailleurs, le renforcement de la coopération économique régionale depuis plusieurs décennies tient également aux relations pacifiées qu’entretiennent la quasi-totalité de ces États.