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Le Pérou en pleine crise politique

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Les nouvelles turbulences liées au scandale international de corruption Odebrecht ont bien failli faire tomber le président du Pérou, Pedro Pablo Kuczynski. Si ce dernier a réussi à sauver son poste après avoir obtenu l’abstention de certains députés de l’opposition lors du vote concernant sa possible destitution, la page de la crise politique est loin d’être tournée.

Avec 79 voix pour, la destitution n’a pas été approuvée

Enfermé dans des accusations liées au scandale de corruption Odebrecht, le Président péruvien Pedro Pablo Kuczynski (surnommé PPK) se trouve dans une situation difficilement tenable. Des dirigeants d’Odebrecht ont en effet reconnu avoir payé près de cinq millions de dollars à des entreprises liées à PPK entre 2004 et 2007, période au cours de laquelle il fut ministre, alors que celui-ci avait auparavant démenti tout lien avec le géant brésilien du BTP. Alors que sa destitution semblait assurée, le Parlement étant largement contrôlé par l’opposition, le président a réussi à sauver, pour l’instant, son siège à la Maison de Pizarro. Il fallait ainsi 87 voix sur 130 pour renverser le président, mais la motion de destitution pour « incapacité morale » n’a recueilli que 79 voix pour, et 19 contre. Une surprise, puisque 93 parlementaires avaient approuvé l’ouverture de la procédure. Les menaces de démission des deux vice-présidents ont participer à sauver la tête Kuczynski, puisqu’elle aurait conduit à des élections anticipées particulièrement incertaines étant donné le climat politique du pays, ce qui a dû rebuter certains députés.

Pedro Pablo Kuzcynski, libéral positionné au centre-droit, a été élu président du Pérou en 2016, avec à peine 50,12% des suffrages – soit environ 41.000 voix d’avances – face à Keiko Fujimori, la fille d’Alberto Fujimori, président du pays de 1990 à 2000 et emprisonné pour crimes contre l’humanité et corruption. Or, le Parlement, dont l’élection se jouait en même temps que le premier tour des présidentielles, a donné une large majorité au parti fujimoriste (73 sièges), limitant la capacité d’action du président nouvellement élu. Avec cette procédure de destitution avortée, la marge de manœuvre politique du président péruvien se trouve réduite – au moins à court terme – à peau de chagrin. Les réformes promises pendant la campagne, notamment en ce qui concerne l’accès à l’eau potable, aux hôpitaux et à l’éducation pour les populations les plus pauvres devront attendre, malgré la croissance économique qui se maintient dans le pays (3-3.5% estimés pour 2017).

« Tous Corrompus ! » : manifestations anti-corruption et remaniement gouvernemental

La « grâce humanitaire » accordée à Alberto Fujimori par Kuzcynski, trois jours après le vote du Parlement, est perçue par la population comme une monnaie d’échange, qui expliquerait l’abstention d’une dizaine de députés fujimoristes. En effet, s’il avait qualifié la procédure de « coup d’État », PPK ne doit sa survie politique qu’aux 21 abstentionnistes, dont Kenji Fujimori, frère de Keiko et en lutte ouverte avec celle-ci pour le leadership de la droite péruvienne. Depuis, les manifestations se succèdent à Lima et dans les grandes villes de province, pour réclamer le départ de « tous les corrompus ». Les affaires de corruption touchant les plus hauts dirigeants du pays ne sont pas nouvelles, et avaient déjà été au centre des débats lors des dernières élections présidentielles. En outre, les anciens présidents Alejandro Toledo (2001-2006) et Ollanta Humala (2011-2016) sont également accusés d’avoir reçu des financements illicites de la part d’Odebrecht : Humala se trouve actuellement en détention provisoire, tandis que Toledo se trouve aux États-Unis malgré un mandat d’arrêt à son encontre. Keiko Fujimori elle-même est sous le coup d’une enquête concernant le dossier Odebrecht.

Keiko Fujimori est également sous le coup d’une enquête

Avec la grâce accordée à Alberto Fujimori, Kuzcynski voit certains de ses derniers soutiens s’éloigner : des députés ont annoncé leur intention de quitter le groupe parlementaire du parti présidentiel et trois ministres (Intérieur, Défense et Culture) ont démissionné du gouvernement. Le remaniement de « réconciliation » effectué début janvier par le président n’a cependant pas permis d’apaiser les critiques. D’autre part, à la demande de victimes de l’ère Fujimori, la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme étudiera le bien-fondé de cette grâce présidentielle. Le rejet de la motion de destitution à l’encontre de PPK apparaît donc davantage comme un sursis pour ce dernier, et il paraît difficile de ne pas envisager des élections anticipées, les organes exécutif et législatif se trouvant pour l’heure paralysés par cette crise politique.

Le scandale Odebrecht est d’ailleurs encore loin d’être terminé : des enquêtes judiciaires sont en cours dans de nombreux pays latino-américains, comme le Brésil, l’Équateur, le Panama ou le Mexique. Par exemple en Équateur, la Cour Constitutionnelle a autorisé le Parlement à entamer une procédure de destitution à l’encontre du vice-président Jorge Glas, accusé lui-aussi d’avoir reçu des financements de la part d’Odebrecht. Les scandales de corruption et le ralentissement économique de la région auront un impact certain sur les prochaines élections et sur la défiance, déjà immense, des populations locales envers leurs classes politiques.

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Lucas MAUBERT

Doctorant en Histoire à l'Université de Tarapacá (Chili). Diplômé de l'IEP de Rennes et de l'Université Rennes 2. Rédacteur pour Les Yeux du Monde depuis 2016.

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