Brexit ouverture des négociations : le chaos face à l’unité
Lundi 19 juin débuteront les négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE). Un an après le référendum qui traduisait leur volonté populaire de se retirer de l’UE, on constate la difficulté pour les partis politiques britanniques de transformer ce souhait en projet. Les Européens en face sont plus sereins que jamais.
C’est dans une ambiance particulière que va se dérouler la première rencontre des équipes de négociation du Brexit. D’un côté Michel Barnier représentant de l’Union européenne et de la volonté des 27 Etats qui la composent et dont les objectifs sont connus depuis maintenant près de deux mois. De l’autre David Davis représentant les britanniques, qui a reçu deux lettres de démission dans les deux dernières semaines et dont le gouvernement vient d’être partiellement désavoué lors des dernières élections… et dont les véritables objectifs ne sont toujours pas connus. Pour ne rien arranger à la confusion au Royaume-Uni, une nouvelle attaque au camion a eu lieu dans la nuit de dimanche à lundi causant la mort d’une personne.
Le chaos s’est petit à petit installé au Royaume-Uni depuis l’annonce des élections anticipées le mois dernier. Alors que les conservateurs étaient donnés largement vainqueur dans les sondages, et que nous vous expliquions ici même qu’un boulevard s’offrait à Theresa May, la Première Ministre est aujourd’hui sur la sellette. La chute a commencé avec une mauvaise campagne électorale. Puis la mobilisation inattendue des jeunes et des électeurs pro européens qui s’étaient abstenus lors du référendum a provoqué une perte de la majorité absolue pour les conservateurs. Le passé politique de Theresa May lui a été reproché suite à l’attentat du London Bridge : en tant que ministre de l’Intérieur elle a approuvé la suppression de 10 000 emplois de policiers. Même sort pour Gavin Barwell à la suite de l’incendie de la tour Grenfell, récemment promu chef de cabinet du Premier ministre, il était ministre du logement dans le précédent gouvernement et s’était opposé aux nouvelles normes incendies dans le cadre de la lutte des conservateurs contre ce qu’ils considèrent comme de la réglementation excessive.
Vers quel Brexit s’oriente-t-on ?
En outre, la perte de la majorité absolue a poussé le gouvernement à faire alliance avec le Democratic unionist party d’Irlande du nord. Ce dernier est connu pour être ultra conservateur, opposé au mariage homosexuel et à l’avortement – ce qui n’a pas fait remonter la côte de popularité de Theresa May – et dont les positions sur le Brexit sont ambiguës. En premier lieu ils sont formellement opposés au retour d’une frontière matérielle avec la république d’Irlande, donc favorable au maintien dans l’Union douanière européenne. D’autre part ils sont anti européens, ont fait campagne en faveur du Brexit lors du référendum et enfin souhaitent que le Royaume-Uni soit libre de négocier des traités de libre-échange avec des pays tiers, ce qui incompatible avec l’Union douanière.
Les commentateurs en ont tout de même conclu la mort du « Hard Brexit » défini par le White Paper de Theresa May. Il n’en a pas fallu plus à Philip Hammond pour former une dissidence au sein du parti conservateur. Le ministre des Finances était prêt à s’exprimer en faveur d’un « Soft Brexit » (c’est à dire au sein de l’Union douanière voire de l’Espace économique européen) et donc de défier sa Première Ministre, s’il n’y avait pas eu l’incendie de la tour Grenfell.
Résultat, les pourparlers avec le DUP durent toujours et le gouvernement britannique n’a pas envoyé ses objectifs de négociation à Bruxelles alors que la Commission les a envoyé à Londres la semaine dernière. Car côté européen on est tellement prêt que depuis le résultat des élections britanniques, les représentants de l’Union se relaient pour envoyer des clins d’oeils à Westminster. Jean-Claude Juncker a commencé dans le rôle du mauvais flic en déclarant que les négociations devraient commencer aussi vite que possible alors que le gouvernement venait d’apprendre le revers des élections. Rapidement tempéré par Michel Barnier indiquant que les négociations pourraient débuter lorsque l’équipe britannique serait prête. Puis Wolfgang Schäuble, ministre des Finances allemand a signifié au détour d’une interview que la porte de l’UE n’était pas définitivement fermée. Emmanuel Macron n’a pas manqué de lui faire écho en recevant Theresa May à l’Elysée. C’est alors au tour de Guy Verhofstadt de préciser que « comme dans Alice au pays des Merveilles » toutes les portes ne sont pas les mêmes et que la nouvelle porte qui serait ouverte au Royaume-Uni serait sans rabais sur le budget, si durement négocié par Margaret Thatcher dans les années 80.
Impossible donc de savoir comment vont se dérouler les négociations, encore moins de prévoir une quelconque issue, seule chose que l’on peut affirmer c’est qu’elle débute de manière déséquilibrées.