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Le retour des néo-conservateurs à la Maison Blanche

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L’année 2018 marque un tournant dans la politique de Donald Trump. Mis en difficulté par l’enquête du FBI sur ses liens avec Moscou et empêtré dans de nombreux scandales, l’instabilité de son administration ne cesse de surprendre. Au mois de mars, ce sont deux figures clés des affaires extérieures qui tombent sous sa volonté de raffermir son autorité : le Secrétaire d’État Rex Tillerson et son conseiller à la sécurité nationale, M. McMaster.

La défaite des modérés à la Maison Blanche et le retour des faucons

Malgré les nombreuses différences entre les deux hommes, tous deux représentaient une certaine forme de modération dans la politique extérieure des États-Unis. Tous deux plaidaient en faveur du respect de l’accord sur le nucléaire iranien et souhaitaient honorer la signature de Barack Obama sur l’accord sur le climat. Enfin tous deux ont été publiquement désavoués d’abord, limogés ensuite, sur Twitter. Les nominations successives ont de quoi surprendre. En effet,  Donald Trump avait eu le mérite de critiquer vertement la guerre en Irak et de vouloir enterrer l’entreprise néo-conservatrice initiée par le Président Bush Junior, qui prétendait utiliser la force afin de diffuser la démocratie au Moyen-Orient. Le candidat Trump semblait être à même de reconnaître que non seulement c’était une mauvaise idée, mais qu’elle était potentiellement criminelle. « Nous avons rendu un très mauvais service au Moyen-Orient, et un très mauvais service à l’humanité » avait-il ainsi déclaré.

John Bolton est tout à fait différent. Il fait partie de cette droite qui au début du siècle a mis en branle une série d’événements favorisant le chaos au Moyen-Orient et semble peu enclin à reconnaître que Saddam Hussein ne disposait pas d’armes de destruction massive. Applaudissant le Brexit, qu’il décrit comme un poignard dans le cœur de l’Union européenne, John Bolton est également à l’origine de l’échec d’une convention des Nations Unies bannissant les armes chimiques.

Les raisons d’un revirement

De nombreux observateurs mettent en avant des divergences de caractère entre Donald Trump et son ancien conseiller, M. McMaster. Ancien militaire, M. McMaster s’était donné l’habitude de donner des exposés, ce qui ne semblait par répondre aux attentes du président des États-Unis.  Il s’agit peut être également une volonté de la part du Président de rassembler des fidèles les plus extrêmes autour de lui, afin de limiter les fuites, nombreuses sous son mandat, et de ne plus avoir qui que ce soit pour contester son autorité au sein de la Maison Blanche. En effet, la présidence des États-Unis bute régulièrement depuis son investiture sur les nombreux contre-pouvoirs prévus par la Constitution : liberté de la presse, indépendance de la justice, etc. La dernière raison est peut être que John Bolton est devenu un habitué de la chaîne de télévision Fox News, la chaîne conservatrice préférée du Président. On a pu lui remarquer une certaine tendance à nommer ses collaborateurs en fonction de leur présence médiatique plus qu’en fonction de leurs compétences ces dernières semaines, et toute personne intervenant sur Fox News lui est favorable, notamment en fonction de la ligne éditoriale de la chaîne, particulierment favorable à l’administration actuelle.

Le retour des « faucons » à un moment sensible

Cette nomination est donc une nouvelle victoire pour les « faucons ». Cette inclinaison vers les néo-conservateurs change la donne et intervient à un moment sensible: deux événements majeurs interviendront durant le mois de mai, l’un impliquant la Corée du Nord, l’autre l’Iran. Suite aux Jeux Olympiques, Kim Jong Un avait créé la surprise en proposant un sommet avec le Président des Etats-Unis. Or, John Bolton est un partisan de longue date d’une intervention militaire en Corée afin d’empêcher le pays d’obtenir l’arme nucléaire. Concernant le dossier iranien, cela renforce la possibilité de voir les États-Unis sortir de l‘accord de 2015 sur le nucléaire, signé à Vienne. Cet accord, que le candidat républicain avait déjà fortement critiqué n’avait été prolongé qu’à contre cœur en janvier dernier, et le Président avait annoncé qu’il ne souhaitait pas le renouveler en l’état. Or, ni l’Iran ni les pays européens n’estiment que l’accord doit être revisité. John Bolton, peu enclin au multilatéralisme, s’était également prononcé plusieurs fois en faveur de la méthode forte en Iran. S’il concède qu’il peut être bénéfique de consulter ses alliés, notamment sur le dossier coréen, il rejette l’idée qu’une puissance étrangère puisse opposer un veto à la destruction d’un régime perçu comme une menace pour les États-Unis.

Cette nomination semble remettre au goût du jour des thèses dont la dangerosité s’est avérée au début du XXIe siècle. Les idées néo-conservatrices, contre lesquelles Dominique de Villepin s’était opposé au cours d’un discours remarqué devant le Conseil de Sécurité, ne peuvent qu’embraser plusieurs régions du monde, et sont la marque d’un impérialisme exacerbé qui montre que les États-Unis ne sont pas toujours des alliés. Leur action peut en effet conduire au discrédit des valeurs des droits de l’homme et de la démocratie. Face à ce type de raisonnement, le rôle de l’Europe apparaît crucial, notamment afin de proposer une nouvelle voie, plus inclusive, plus coopérative, celle de la gouvernance mondiale.  Le Président Macron semble être désireux d’incarner cette nouvelle voie, entre les États-Unis et le reste du monde. L’UE semble être moins fragile aujourd’hui qu’en 2003 et moins en proie aux divisions. Les personnalités politiques qui avaient soutenu les États-Unis lors de l’invasion de 2003 ne sont plus au pouvoir, et leurs idées sont en perte de vitesse. De même, John Bolton et sa défiance vis-à-vis de l’Europe ne peut avoir un pouvoir de séduction suffisant, sans oublier le fort turnover qui marque son administration. Il est permis de douter qu’il demeure en poste suffisamment longtemps pour causer des divisions au sein de l’Union. Nous pourrions tout à fait être en train d’observer la  manifeste déliquescence de l’atlantisme en Europe.

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Naël DE LA SAYETTE

Consultant en diplomatie d'affaires et intelligence économique, Naël de La Sayette est spécialisé sur les questions moyen-orientales. Il a rejoint Les Yeux du Monde en 2016.

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