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La Chine au cœur du « Grand Jeu » afghan (1/2)

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Contrairement à certaines idées reçues, la Chine ne vient pas remplacer les Américains. Elle a toujours été présente dans la région, du fait tout d’abord de sa proximité géographique (la Chine et l’Afghanistan partagent 90 kilomètres de frontières communes). La politique chinoise va en réalité s’adapter au départ des troupes américaines et jouer un rôle correspondant plus à son statut de nouvelle grande puissance.

rencontre entre le président afghan, Ashraf Ghani, et le leader chinois, Xi Jinping.
rencontre entre le président afghan, Ashraf Ghani, et le leader chinois, Xi Jinping.

Pékin fête en 2015 la soixantième année de ses relations diplomatiques avec Kaboul. La Chine avait une présence économique et culturelle très forte dans les années 60 et 70 en Afghanistan. Par la suite, Pékin a notamment fourni de nombreuses armes aux moudjahidines à l’époque de l’invasion par l’URSS. Lorsque les Talibans dirigeaient Kaboul (1996-2001), les autorités chinoises étaient également en bons termes (l’ambassadeur chinois étant l’une des rares personnalités diplomatiques étrangères ayant rencontré le Mollah Omar).

N’ayant pas le statut d’envahisseur comme les Occidentaux, bénéficiant d’une bonne connaissance de la région et de tous les acteurs (étatiques et non étatiques), la Chine veut désormais essayer d’appliquer une autre politique en Afghanistan, plus pragmatique.

Quelle stratégie chinoise en Afghanistan pour défendre quels intérêts ?

La Chine veut proposer une autre alternative aux autorités afghanes et à son peuple. Dans la vision chinoise, les Occidentaux cherchent à importer un modèle politique à l’encontre des us et coutumes afghanes, sans prendre en compte la réalité politique et sécuritaire. Pékin se place comme un intermédiaire pouvant servir à la réconciliation nationale, en voulant intégrer toutes les parties (y compris les Talibans) aux négociations politiques sur l’avenir de l’Afghanistan. En recevant notamment la quatrième conférence du processus d’Istanbul en Octobre 2014 (conférence interministérielle visant à développer la coopération internationale pour l’Afghanistan), la Chine affirme sa reprise en main du dossier afghan après le départ des Américains. Le premier objectif politique est de « neutraliser » l’Afghanistan, en réduisant sa dépendance à l’Occident. L’Organisation de la Coopération de Shanghai (l’OCS) parait être la structure de coopération correspondant le plus aux attentes des chinois en termes de traitement politique et sécuritaire du dossier. L’investissement chinois prend aussi d’autres aspects : délivrance de bourses pour que de jeunes afghans viennent étudier en Chine, formation de près de 3.000 professionnels dans des secteurs variés (de l’anti-terrorisme à l’agriculture).

Le premier axe de la stratégie chinoise en Afghanistan est économique. Si la Chine n’est pas un donateur majeur pour l’Afghanistan, Pékin est le premier investisseur dans le pays (près de 11 milliards de dollars en 2012). Appliquant en Afghanistan la même recette que dans ses provinces, Pékin part du principe que la croissance économique garantit (ou du moins permet) l’harmonie sociale. Suivant son modèle de pénétration en Afrique (« Infrastructure contre accès privilégié aux matières premières »), Pékin souhaite investir massivement dans les infrastructures et les transports, permettant au passage de développer son projet de « zone économique de la route de la soie ». En plus de renforcer sa capacité logistique, ces infrastructures de transport lui confèrent une assise géostratégique à l’échelle de l’Asie centrale et du sud-est. Les trésors du sous-sol afghan attisent également les appétits chinois, qui sont présents sur plusieurs projets. Par exemple, la mine de cuivre d’Aynak a été acquise par la China Mettalurgical Corporation pour 3,5 milliards de dollars.

L’Afghanistan représente des opportunités économiques, mais également des risques sécuritaires pour Pékin. Sa première crainte reste la propagation du radicalisme et du terrorisme à la province déjà troublée du Xinjiang. Ces dernières années, la résurgence de l’islamisme radical parmi des militants ouïghours et leur connexion accrue avec des groupes islamistes radicaux opérant dans « l’AfpPak » inquiètent les autorités chinoises. Les services de renseignement chinois et afghan collaborent donc activement au démantèlement des groupes terroristes, pour qui la Chine constitue effectivement une cible. Ces zones transfrontalières peu contrôlées sont de surcroit un terreau fertile pour les trafics en tout genre, particulièrement de drogue qui permet de financer les groupes indépendantistes ouïghours.

Les motivations chinoises en Afghanistan sont donc multiples, mêlant intérêts politiques, économiques et sécuritaires. L’Afghanistan étant par nature au centre du « Grand Jeu », il s’agira de voir dans un prochain article comment la Chine intègre les autres acteurs régionaux et internationaux à sa stratégie.

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