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Refroidissement des relations États-Unis/Cuba

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Le président des États-Unis, Donald Trump, a annoncé l’annulation de l’accord signé par Barack Obama avec Cuba, jetant un froid sur les relations naissantes. Cette nouvelle rupture avec l’administration précédente actée, il reste à savoir si le président américain souhaite vraiment négocier un nouveau texte avec Raúl Castro.

Rues de La Havane (Photo : Miguel Andrés Cornejo Guzmán)

C’est à Little Havana, célèbre quartier de Miami et haut-lieu de l’immigration cubaine anti-castriste, que Donald Trump a révélé ce 16 juin 2017 la mise en oeuvre d’un executive order révisant la politique suivie par son prédécesseur à l’égard de l’île de Cuba. En décembre 2014, Barack Obama avait, en effet, initié une politique d’ouverture envers le gouvernement cubain, alors que le l’opposition politique et idéologique entre les deux pays avait marqué la seconde moitié du XXe siècle, notamment avec la crise de 1962. Alors que l’île vit sous embargo américain depuis plusieurs décennies, le rétablissement des relations diplomatiques fut officialisé à l’été suivant avec la réouverture d’ambassades, avant qu’Obama n’effectue une visite officielle les 20 et 21 mars 2016. À l’époque, celui-ci misait sur une libéralisation du pays, avec une loi d’ouverture – très partielle – de l’économie cubaine aux investissements étrangers, prise par le gouvernement de Raúl Castro. En plus du rétablissement de relations diplomatiques, l’embargo avait été ainsi assoupli, sans pour autant être annulé, le Congrès étant à majorité Républicaine.

Donald Trump souhaite donc revenir sur un marché « totalement inéquitable », considérant que l’accord ne profitait ni aux États-Unis, ni aux Cubains, mais uniquement au régime castriste qu’il juge « brutal ». Néanmoins, si ces déclarations du nouveau locataire de la Maison-Blanche s’avèrent particulièrement acerbes, elles font surtout effet d’annonce. En réalité, la rupture des liens diplomatiques n’est pas envisagée : le changement de la politique étasunienne devrait donc se limiter, pour l’heure, à deux mesures d’ordre économique. La première concerne un durcissement des conditions pour effectuer du tourisme sur l’île, en appliquant la directive obligeant les citoyens américains à justifier tout voyage sur l’île, qui avait été atténuée par Obama. Un coup rude, puisque la place du tourisme dans l’économie de l’île est importante, un secteur en pleine croissance depuis les accords de 2016. La seconde vise une interdiction de transactions économiques entre firmes américaines et entreprises contrôlées par le régime : le développement du tourisme servirait, selon Trump, à financer l’armée cubaine, la plupart des hôtels de l’île étant détenus par la société d’État GAESA.

Le retour d’une rhétorique de « Guerre froide » comme l’affirme la Russie ?

Plus que le refroidissement des relations avec Cuba annoncé par Trump, ce sont ses justifications qui ont surpris : ce-dernier a en effet assuré que tout rapprochement entre les deux pays serait conditionné par la libération des prisonniers politiques, l’expulsion des personnes visées par un mandat d’arrêt étasunien et la démocratisation du régime, comme pour le Venezuela d’ailleurs. Cet attachement nouveau aux droits de l’homme de la part du locataire de la Maison-Blanche a de quoi étonner dans la mesure où il a auparavant toujours semblé privilégier les opportunités économiques pour les entreprises américaines, au détriment des considérations d’ordre éthique ou idéologique, comme l’ont récemment illustré sa sortie de l’accord de Paris ou son fructueux voyage en Arabie Saoudite. Difficile de ne pas y voir certaines considérations politiques en vue des élections de mi-mandat, car, bien que des élus Républicains se soient élevés contre les annonces du président, l’électorat américano-cubain est l’un des plus conservateurs du pays et la question cubaine, malgré la mort de Fidel Castro, demeure particulièrement clivante.

Face à ce discours, le gouvernement cubain a rétorqué que « toute stratégie destinée à changer le système politique, économique ou social à Cuba […] serait voué à l’échec », niant quelque autorité morale à Washington, en évoquant par exemple le cas de Guantanamo. La Russie, qui a rapidement rappelé son inébranlable solidarité avec le régime cubain, a pour sa part déploré un discours de « Guerre froide ». La porte ouverte par Donald Trump, lorsqu’il a dit vouloir négocier un nouvel accord, peut susciter certains espoirs à La Havane, qui s’est dit prête à continuer le dialogue. Néanmoins, cet épisode semble démontrer une fois de plus le manque de cohérence et de lisibilité dans la politique étrangère adoptée par Donald Trump, ce qui ne sera pas sans poser de problèmes dans le futur. Le fait que la nouvelle administration défasse brusquement des accords signés par ses prédécesseurs ne fera qu’entamer l’image d’interlocuteur de confiance que les États-Unis pourraient avoir, d’autant que rien ne dit que la politique adoptée par le gouvernement actuel ne sera pas totalement remise en cause après les prochaines élections. Plus qu’un isolement international volontaire, c’est un isolement par manque de crédit qui guette les États-Unis.

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Lucas MAUBERT

Doctorant en Histoire à l'Université de Tarapacá (Chili). Diplômé de l'IEP de Rennes et de l'Université Rennes 2. Rédacteur pour Les Yeux du Monde depuis 2016.

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