L’Allemagne met en place un salaire minimum
L’annonce peut sembler révolutionnaire : il y aura un salaire minimum en Allemagne. A la confluence de la stratégie politique (accord avec le SPD pour former une coalition), de la pression géopolitique (la Commission Européenne et les USA ont explicitement critiqué la faiblesse de la demande allemande), du mécontentement social (23% des salariés allemands outre-Rhin touchent moins de 9 euros de l’heure) et des déséquilibres géographiques entre Allemagne de l’Ouest et Länder de l’Est, cette annonce d’Angela Merkel va probablement changer le visage de l’Europe économique. Certes, des négociations nécessairement tendues affleurera, vraisemblablement, une réforme nuancée enfantant un salaire minimum différent entre les différentes professions et entre les régions.
Cette décision marque, toutefois, une rupture majeure dans la stratégie du gouvernement berlinois. L’Agenda 2000 de Schröder avait pour objectif de renforcer la compétitivité allemande par la contraction relative des salaires industriels (plus difficiles à négocier en raison du tissu syndical) et absolue des salaires des services et par une montée en gamme des industries. Résultèrent de cette situation des excédents commerciaux colossaux et une croissance tirée par le commerce extérieur. Le surplus de liquidités accumulé fut investi à l’extérieur (pour financer, par exemple, les dettes des pays du Sud de l’Europe à moindre coût) et la demande intérieure, faible, priva ses voisins d’un vaste marché. La démographie vieillissante accentua la propension à épargner et ampute, à terme, structurellement la consommation. Avec la crise, la situation n’est plus tenable : les pays limitrophes réduisent leurs importations et réorientent l’excédent allemand vers l’Amérique du Nord ; les investissements ont été sous-effectifs dans les infrastructures, la formation et l’énergie ; l’épargne allemande investie à l’extérieur a enregistré une perte de 400 milliards d’euros. Ces menaces sur la croissance ont convaincu la chancelière d’organiser une relance par la consommation et l’investissement.
Quelles sont les conséquences économiques d’un tel revirement stratégique ?
– l’épargne allemande va être réaffectée en Allemagne pour augmenter la demande intérieure et favoriser le financement des investissements intérieurs
– les partenaires européens vont profiter d’un supplément de demande qui favorisera, probablement, leurs exportations, d’autant que leur compétitivité a augmenté pour la plupart d’entre eux. Le retour de la croissance européenne va se consolider.
– les entreprises allemandes vont subir un alourdissement de leurs factures donc une baisse de leur compétitivité ce qui risque de mettre en péril certaines exportations. Néanmoins, le positionnement haut de gamme des produits allemands permet d’absorber rapidement cette contraction des marges.
– certains économistes allemands prédisent une destruction d’un million d’emplois ce qui, malgré l’augmentation de la consommation, diminuera la croissance allemande à venir.
– le risque des délocalisations n’est pas à négliger, notamment vers la Pologne, la Roumanie ou la Hongrie où les coûts salariaux demeurent bien inférieurs.