Les grands enjeux de l’eau dans la mondialisation (3/4)
Les grand enjeux environnementaux liés à l’eau sont doubles : il existe d’une part un risque d’épuisement des ressources en eau lié à leur surexploitation, et d’autre part un risque de pollution des eaux.
Un risque d’épuisement des ressources en eau
Dans certaines régions, l’épuisement des ressources en eau est une réalité. La mer d’Aral, par exemple, qui participe au cycle de l’eau, a perdu 50% de sa superficie ces cinquante dernières années, et le niveau de l’eau y a baissé de quinze mètres, ce en raison du ralentissement du débit des fleuves Syr Daria et Amou Daria qui l’alimentent, lié au détournement de leurs eaux pour la culture du coton, ce qui pose des problèmes de salinité et fragilise l’écosystème. Autre exemple, le Lac Tchad, dont la superficie était de 25 000 km2 il y a quelques années, ne couvre plus que 2 000 en saison sèche, car le fleuve qui l’alimente a vu son débit drastiquement réduit par les activités humaines. On pourrait également citer l’épuisement de certaines nappes phréatiques dites géologiques, comme celle de Koufra, en Libye.
La pollution des eaux: une réalité.
Autre problème, celui de la pollution. Pollution humaine (cf exemple du Gange), mais surtout pollution agricole et industrielle. Le recours à toujours plus de pesticides pour l’agriculture intensive dans les pays développés – Etats-Unis et Canada consomment à eux seuls un tiers des pesticides produits dans le monde – et les révolutions vertes dans les pays en développement ont démultiplié la consommation mondiale de pesticides et engrais. Par ruissellement, les nitrates et les phosphates s’infiltrent dans les lacs, rivières et nappes phréatiques. On estime que 93% des rivières françaises en contiendraient à des niveaux supérieurs aux normes autorisées. La pollution industrielle est également une réalité. Cette pollution est d’autant plus forte dans les pays en développement ou émergents, où les législations environnementales sont moins présentes et peu respectées. Emissions métalliques, rejets acides, produits toxiques, sont effectuées souvent sans le moindre traitement. Par exemple, à l’embouchure du fleuve Bengale, situé au Bangladesh, des milliers de tonnes de colorants et polluants sont présents, en raison notamment des activités textiles.
Un enjeu géopolitique, source de tensions
Enfin, et sur un tout autre sujet, le contrôle des ressources en eau est un enjeu géopolitique, source de tensions et instrument de puissance. Déjà, en 1967, l’une des raisons qui avaient poussé Tsahal à occuper le plateau du Golan après la guerre de six-jours était la nécessité de contrôler cette zone, sorte de château d’eau riche en réserves d’eau et d’où partent des rivières comme le Yarmouk, vers les territoires Israéliens, dont l’armée syrienne avait réduit le débit avant la guerre. Pour Israël, contrôler son approvisionnement en eau était la condition de son indépendance.
Depuis plusieurs décennies, le contrôle des ressources en eau par les Etats est donc un enjeu potentiel de crises. Selon certaines estimations, 60% des ressources d’eau douces dans le monde seraient situées dans des zones frontalières. De nombreux fleuves, par exemple, traversent successivement plusieurs Etats, ce qui peut générer des conflits. Par exemple, le débit du fleuve Colorado, lorsqu’il arrive au Mexique, n’est que de 10% de son débit initial en raison des utilisations multiples des eau du fleuve, notamment de la part des agriculteurs californiens, ce qui pose problème, même si cela ne remet pas en cause la proximité idéologique des deux Etats. Autre exemple de situation générant des tensions, celle du Tigre et de l’Euphrate. Ces deux fleuves, qui naissent dans les montagnes turques, traversent successivement la Syrie et l’Irak. Or dans cette zone, où les tensions sont déjà nombreuses et les crises régulières, la position en amont de la Turquie lui confère un avantage géopolitique certain, qu’elle a mis a profit dès 1977 en lançant le GAP (Great Anatolian Project) visant à construire 22 barrages, lui permettant d’irriguer les cultures de la région. Ce projet lui permet de contrôler le débit des fleuves, ce qui constitue également une arme géopolitique, qu’elle met notamment à profit en réduisant le débit du Tigre et de l’Euphrate, et ce depuis le début du conflit syrien.
La diversité des enjeux de la maîtrise de l’eau (que nous venons de voir dans ces trois premières parties), enjeux qui s’entrecroisent et s’alimentent, dans un contexte où la demande ne cesse d’être orientée à la hausse, en raison de la pression démographique mais surtout à cause des activités humaines (agriculture, industries, … ) qui consomment toujours plus d’eau, impose la recherche de solutions techniques, économiques et politiques.
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