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Rencontre afghano-indienne : vers une coopération régionale

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Rencontre entre Ashraf Ghani et Narendra Modi lors d’un projet de barrage en Afghanistan

La Président de l’Afghanistan Ashraf Ghani s’est rendu le 24 octobre en visite en Inde, à la demande du Premier Ministre Narendra Modi. L’occasion de rappeler que les deux pays ont des intérêts stratégiques communs.

Les relations conflictuelles en AfPak

Les relations entre l’Afghanistan et le Pakistan sont globalement mauvaises. La frontière entre les deux pays est héritée de la colonisation britannique de l’Inde, mais n’est pas reconnue par Kaboul depuis 1947 . En effet, la population majoritaire d’Afghanistan, les Pachtounes, sont également nombreux au Pakistan dans les zones tribales et la province de Nord-Ouest (appelée Khyber Pakhtunkhwa depuis 2010). Si les Britanniques ont pu imposer leur souveraineté sur les territoires contestés, l’Afghanistan refuse de reconnaître cette même souveraineté au Pakistan nouvellement créé, et conteste donc le tracé de la frontière, appelé ligne Durand.

Islamabad de son côté rêve d’une unité islamique et ne peut qu’être offensé qu’un pays musulman le conteste dans ses frontières. Avec l’invasion soviétique de l’Afghanistan en 1979, Peshawar devient la plaque tournante de la résistance afghane. Le Pakistan prend conscience de la profondeur stratégique que peut lui apporter l’Afghanistan : une base arrière musulmane pour Islamabad dans sa rivalité avec l’Inde. L’arrivée des Taliban au pouvoir à Kaboul renforce les liens entre les deux Etats. La chute des premiers amène au contraire à un nouvel Etat afghan plus hostile au Pakistan, qui offre au groupe religieux déchu un sanctuaire dans les zones tribales du Nord-Ouest.

Les territoires contestés deviennent ainsi un sanctuaire qui menace l’Afghanistan, mais depuis 2007 et la création du Tehrik-e Taliban Pakistan (Taliban pakistanais), c’est aussi une zone de conflit interne pour Islamabad. La région continue également à être disputée entre les deux Etats, accentuant une instabilité déjà notoire. Pour l’année 2017, on compte pour l’instant deux incidents militaires aux frontières ayant entrainé des victimes, en février et en mai. Les risques de tirs de missiles, voire d’interventions ponctuelles sur le territoire voisin, ne sont clairement pas à exclure.

L’influence grandissante de l’Inde

L’Inde a gardé une stratégie relativement isolationniste pendant longtemps, hormis son soutien au mouvement des non-alignés et quelques conflits proche (Pakistan oriental, Chine, Sri Lanka). Néanmoins, en contexte post-guerre froide, de mondialisation, mais aussi d’attentats islamistes où les services secrets pakistanais sont clairement impliqués (1993 et 2008 pour les plus importants à Bombay), New Delhi est à la recherche de nouveaux soutiens. L’Afghanistan libéré des Taliban est d’un intérêt particulier : il permet de prendre à revers l’ennemi pakistanais, dans ce qu’Islamabad perçoit comme sa sphère d’influence. L’ouverture de la première base militaire indienne hors frontière au Tadjikistan, à la frontière nord-afghane, n’est clairement pas un hasard.

L’arrivée de Narendra Modi marque une accélération dans la diplomatie indienne. En tant que nationaliste hindou, Modi rêve de puissance régionale voire internationale. Un rapprochement avec les pays arabes, une visite en Israel, un fort soutien à la Birmanie d’Aung San Suu Kyi en pleine crise des Rohingyas, grands projets entre l’Inde, l’Asie centrale et l’Iran… La diplomatie indienne est devenue très dynamique. L’Afghanistan est en plein cœur de cette diplomatie : Ajit Doval, ancien chef des services secrets indiens et conseiller du Premier Ministre en sécurité s’est rendu à Kaboul le 16 octobre. En septembre dernier, c’est le Ministre afghan des Affaires Etrangères, Abdullah Abdullah, qui était en visite officielle en Inde.

Rappelons qu’outre le Pakistan, perçu comme une menace par New Delhi et Kaboul, l’Inde a un autre rival en Afghanistan et en Asie centrale en général : la Chine. New Delhi a tout intérêt à investir dans la région pour contrer les influences d’Islamabad et de Pékin, deux rivaux qui s’entendent plutôt bien.

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