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Les derniers rebondissements de l’Europe de la défense

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Depuis le sommet de l’OTAN à Bruxelles en 2017, de nombreux rebondissements ont marqué l’actualité de la défense. En effet, le président nouvellement élu des États-Unis s’y était montré très critique envers ses alliés historiques et avait même décrit l’organisation comme étant obsolète. Les déclarations en faveur de plus d’autonomie avaient donc suivi en Europe, notamment par la chancelière allemande, Angela Merkel, et le nouveau président français, Emmanuel Macron. On peut donc se demander si l’on est resté au seul stade des déclarations ou y a-t-il une volonté de créer un système purement européen de défense.

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Les ambitions françaises

L’idée d’une défense européenne avec l’optique de bâtir une souveraineté européenne est avant tout française. En effet, la classe politique française est profondément marquée par la définition gaulliste de la souveraineté : Allié non aligné des États-Unis. La récente déclaration d’Emmanuel Macron au « Forum pour la paix » de Paris en novembre s’inscrit dans cette lignée. Il y a annoncé une volonté de créer une armée européenne, au nom de la souveraineté européenne. Ce choix de mots extrêmement forts a certes irrité la Maison Blanche mais a également suscité un certain scepticisme en Europe. L’Allemagne elle-même se montre réticente, et de nombreux pays comme l’Italie, la Belgique et surtout en Europe de l’Est estiment qu’il ne s’agit là que d’un moyen français faire de Paris la capitale de facto d’une Europe soumise à sa domination. La Belgique a entériné ce refus d’une domination française en préférant l’offre américaine de F-35 face au Rafale de Dassault pour moderniser sa flotte. De même, les Pays-Bas ont une position ambiguë sur la question : ils prennent part à toutes les discussions sur le sujet et répètent dans le même que l’OTAN demeure leur horizon quasi-indépassable.

Des résistances, tant en France qu’en Europe

Les volontés affichées du Président Macron suscitent un scepticisme partagé jusqu’en France. En effet, de nombreux spécialistes de questions de défense ont quelque peu ironisé sur la formule « d’armée européenne », qu’ils ne conçoivent comme rien d’autre qu’un slogan, beau et attirant sur la forme mais vide de sens. Les interrogations portent d’abord sur la chaîne de commandement d’une telle structure : qui en serait le chef, à qui répondent les troupes. Aurions-nous un système équivalent à l’ONU ou les soldats dépendraient ils uniquement de la Commission ? Du Conseil ? Plusieurs spécialistes estiment que personne ne souhaite mourir pour l’Union, mais uniquement pour son pays.

De fait, il est vrai que la réflexion du Président ne s’est pas développée sur des détails, mais uniquement sur des concepts stratégiques théoriques. Toutefois, il faut reconnaître que la défense européenne telle qu’on la conçoit aujourd’hui paraît inadaptée tant d’un point de vue d’une guerre traditionnelle, tant de celui de la façon dont les conflits se déroulent aujourd’hui. En effet, rien ne garantit que l’on puisse protéger les frontières européennes d’un front conventionnel. De plus, les réponses aux attaques informatiques sont désordonnées, et ne paraissent pas répondre aux attentes tant des citoyens que celles des entreprises, très vulnérables. Les experts tant en cybersécurité qu’en intelligence économique s’accordent pour dire que les infrastructures européennes sont totalement vulnérables face aux offensives des États-Unis ou de la Chine, tandis que les experts en cybersécurité confirment que la majorité des attaques informatiques contre les entreprises ou particuliers ne sont même pas déclarées, tant les réponses inefficaces en rapport à la perte que pourrait susciter un potentiel aveu de faiblesse d’une entreprise sur ces questions. L’appel de Paris est d’ailleurs une tentative de réponse à ces questions. Enfin, la question des budgets demeure une préoccupation importante en Europe, quelques années après la crise des dettes publiques. La France, l’Italie et la Grèce ont toujours une situation de dette publique à observer de près. C’est aussi pour cela que la France souhaite organiser une réponse européenne, afin de réaliser d’importantes économies d’échelles.

Un projet bien vivant, tant sur le plan politique qu’industriel

Si la question d’une autonomie européenne en matière de défense est clairement une obsession française peu partagée par les autres États membres de l’Union, la Commission en revanche semble aller dans le même sens. En effet, dans son analyse d’impact de juin 2018, la Commission propose la mise en place d’un fonds européen de la défense avec une pour ambition d’améliorer les capacités militaires européennes ainsi que la recherche et le développement. L’idée est de faire progresser la coopération militaire des États membres. Toutefois, il n’est pas des ambitions de la Commission que ce fonds fasse la promotion d’une défense qui soit concurrente au système de l’OTAN. De plus, une enquête de YouGov, également citée par la Commission, estime que 75% des sondés sont favorables à une défense européenne.

La première avancée avait été sur le plan industriel, avec l’annonce surprise du développement du futur avion de combat destiné à remplacer le Rafale de Dassault, le SCAF (Système de Combat Aérien du Futur). Ce SCAF, prévu pour 2040, avait suscité un certain enthousiasme tant à l’Élysée que pour les élites fédéralistes. En effet, l’Union européenne s’est toujours construite sur les domaines tout à fait inattendus propres à la souveraineté régalienne classique à l’image de la production de charbon et d’acier (nécessaires pour la guerre) et de l’intégration économique et monétaire. Cette annonce semblait annoncer le futur pas que ferait l’Union, sur le terrain de la défense. En effet, la mise en commun de moyens de productions d’équipements militaires serait un pas en plus vers l’intégration européenne et faciliterait, selon les fédéralistes, à créer la diplomatie européenne, et par conséquent à mettre en place un nouveau jalon qui permettrait de créer le nouvel État européen. Le SCAF suscite également l’intérêt de l’Espagne et même du Bénélux. Il pourrait devenir un concurrent sérieux des équipements des États-Unis.

Toutefois, le projet rencontre un certain nombre de difficultés qui le met en péril. En effet, le partage d’informations nécessaire à la réalisation d’un tel projet continue de poser des difficultés administratives. Berlin souhaite associer l’Espagne à son développement, ce qui suscite un certain scepticisme à Paris. Le dossier est toujours en cours d’élaboration. S’il a été le plus médiatisé, le SCAF n’est pas le seul exemple de coopération industrielle franco-allemande en matière de défense. En effet, Nexter et KMW ont présenté avec un peu d’avance en juin 2018 le fruit de leurs efforts, l’Euro Main Battle Tank (EMBT) qui devrait remplacer les Leclerc vers 2030.

Malgré les difficultés que pose la question de l’échange d’informations, notamment sur le plan industriel, nous constatons qu’elle est essentiellement du fait des pouvoirs publics, hantés par des questions de souverainetés nationales. Les acteurs du secteur privé sont beaucoup plus désireux de créer des systèmes de coopérations internationales.

Outre le projet du SCAF, la mise en place d’une académie européenne du renseignement a été récemment annoncée. Il s’agit d’une avancée majeure et attendue. Elle permettrait de former les services futurs de renseignement, qui ne seraient que plus habitués à développer des liens, et à collaborer entre eux et venir à bout des tissus conservateurs, hostiles à tout partage d’information, même aux alliés européens. Pour le moment, il semble que l’académie se construise principalement sur les questions de cybersécurité, et d’exercices militaires joints mais on peut espérer que les questions d’intelligence économique fassent rapidement partie de ses préoccupations. Ce type de projets nous fait donc penser que non, l’armée fédérale européenne n’est pas lettre morte mais avance bel et bien, malgré les réticences et les scepticismes.

Bibliographie

http://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/10102/2018/EN/SWD-2018-345-F1-EN-MAIN-PART-1.PDF

http://www.opex360.com/2018/11/17/les-pays-bas-disent-preferer-lotan-a-une-armee-europeenne/

https://www.lopinion.fr/blog/secret-defense/armee-europeenne-slogan-sympathique-casse-tete-absolu-concept-fumeux-168709

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Naël DE LA SAYETTE

Consultant en diplomatie d'affaires et intelligence économique, Naël de La Sayette est spécialisé sur les questions moyen-orientales. Il a rejoint Les Yeux du Monde en 2016.

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