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Compétition et collaboration sino-russe en Asie centrale (2/3)

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Depuis 2014 et le conflit ukrainien, l’Europe et la Russie vivent une crise diplomatique de grande ampleur, chacune étant persuadée que l’autre souhaite sa faillite. Cette crise a été l’occasion d’un rapprochement sino-russe, aussi bien politique qu’économique. Si cette coopération sur l’échiquier mondial a fait couler beaucoup d’encre, les deux puissances n’en restent pas moins concurrentes lorsqu’il s’agit de leur influence en Asie. 

La percée chinoise et les Nouvelles routes de la soie

Lancé par le président Xi Jinping en 2013, le projet nommé à l’origine « One Belt, One Road » (OBOR) est devenu en 2016, le projet « The Belt & Road Initiative » (BRI). En effet, Pékin considérait réducteur l’utilisation du terme « One », car c’est en réalité deux à trois routes que veut créer Pékin pour ses Nouvelles routes de la soie: une route maritime et un à deux axes terrestres. La Ceinture économique de la Route de la soie (CERS) est le terme utilisé aujourd’hui pour évoquer l’un de ces axes terrestres. Elle vise à connecter la Chine à l’Europe en passant par l’Asie centrale, en y développant les infrastructures de transport, d’énergie et de télécommunication.

Le défi est de taille pour arriver à cette connexion de l’Asie centrale à l’Est vers la Chine et à l’Ouest vers le Caucase, tant la géographie est complexe à appréhender. Cet immense territoire de quatre millions de km2  est habité par 68 millions d’habitants, soit 17 habitants au km2. La région comporte également de nombreuses difficultés géographiques, avec des zones désertiques et montagneuses, notamment au Kazakhstan.

Pour y développer ces infrastructures, ce ne sont pas moins de 50 milliards de dollars qui sont alloués par Pékin dans la région. Ces investissements ont pour objectif de transformer l’Asie centrale en une zone de transit plus efficace. Dans cette perspective, le récent accord autour de la mer Caspienne par les États riverains est une véritable avancée pour les Nouvelles routes de la soie (1). Outre l’aspect économique, la sécurisation de la région est l’un des grands enjeux pour Pékin et, ce, à plusieurs titres. Tout d’abord, il est impératif, pour la Chine, de soutenir les gouvernements des États d’Asie centrale face aux revendications nationalistes ou islamistes, dans une région dominée par des gouvernements autoritaires, hormis celui du Kirghizistan. Pour Pékin, le renversement d’un de ces régimes serait un contre-temps fâcheux. De plus, la menace des groupes « terroristes » agissant au Moyen-Orient semble crédible et met en danger la stabilité de la région (2).

Tracé des Nouvelle routes de la soie.

Pékin et la question du terrorisme

En 2015, à une période où le groupe Daesh était au summum de sa domination en Irak et en Syrie, près de 4 000 de ses membres venaient d’Asie centrale, soit plus de 10% du contingent total. Il existe également des groupes issus de l’islam radical, plus ou moins proches d’Al-Qaïda dans la zone. C’est le cas par exemple du Mouvement islamique d’Ouzbékistan, qui est également présent au Tadjikistan et au Kirghizistan. Au niveau sécuritaire, ce sont ces deux derniers États qui, aujourd’hui, semblent avoir le plus besoin d’aide extérieure. La Chine investit donc également dans des manœuvres de coopération militaire avec les États de la région pour endiguer toute velléité des groupes issus de l’islam radical.

La question sécuritaire en Asie centrale répond à un enjeu politique interne à la Chine. En effet, à la frontière du Tadjikistan et du Kirghizistan, se trouve la province chinoise du Xinjiang, une région qui fait également partie de l’Asie centrale. Ayant un statut officiel de « République autonome », le Xinjiang est habité à 45% par des populations Ouïgour, de confession musulmane. La province chinoise a vu l’émergence, au début des années 2000, d’un groupe salafiste utilisant les méthodes du terrorisme djihadiste, le Parti islamique du Turkestan, en lien avec Al-Qaïda et le Mouvement islamique d’Ouzbékistan.

Il n’est donc pas étonnant de voir la Chine active en Asie centrale et s’investir autant dans cette région dont le manque de développement reste le premier allié des groupes djihadistes. Encore une fois, les cinq États de la région ne sont pas logés à la même enseigne. Alors que le Tadjikistan et le Kirghizistan font partie des 50 États les plus pauvres du monde (PIB par habitants), l’indice du Kazakhstan se trouve, quant à lui, dans les 50 premiers.

(1) V.Munoz, Réchauffement diplomatique en mer Caspienne : La Chine veille, Observatoire français des Nouvelles routes de la soie, août 2018.

(2) https://www.diploweb.com/B-Dupre-Daesh-et-l-Asie-centrale.html

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Fabien HERBERT

Fabien Herbert est Président des Yeux Du Monde et rédacteur géopolitique pour l'association depuis mars 2016. Formé à l’Université Catholique de Louvain, Fabien Herbert est journaliste et analyste spécialisé en relations internationales. Il s’intéresse notamment au monde russophone, au Moyen-Orient et à l'Asie du Nord-Est.

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