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Le Tadjikistan, absorbé dans l’orbite chinoise ?

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La Chine se déploie économiquement et diplomatiquement en Asie centrale, notamment dans le cadre de la Belt and Road Initiative. Petit à petit, le Tadjikistan semble entrer dans l’orbite chinoise, au détriment de sa souveraineté ?

Le Tadjikistan et la Chine

Emomali Rahmon, Président tadjik
Emomali Rahmon, Président tadjik

Le Tadjikistan est un pays frontalier de la Chine, via la région montagneuse du Haut Badakhshan et les monts Pamirs. Côté chinois, c’est la province du Xinjiang qui est frontalière du Tadjikistan. Les contacts entre Pékin et Douchanbe n’ont donc pas été évidents pendant des décennies, limités par la géographie. La politique n’a pas non-plus aidé : la rupture sino-soviétique provoque une fermeture de la frontière déjà difficile. Rappelons toutefois que des communautés qui se désignent comme tadjikes sont présentes dans la province chinoise du Xinjiang.

Dès l’indépendance de l’Asie centrale soviétique, Pékin renoue avec la région. Tout d’abord, des « corrections territoriales » sont effectuées, au profit de l’empire du milieu. Cela permet de développer des relations diplomatiques. Ensuite, dès 1996, la Chine crée le sommet Shanghai 5 à propos de la sécurité régionale. Celui-ci inclut la Russie et les trois Etats frontaliers centre-asiatiques, le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan. En 2001, les pays du Shanghai 5 deviennent l’Organisation de Coopération de Shanghai. Très vite, la Chine intègre le Tadjikistan à ses projets, notamment en matière de sécurité.

La Nouvelle Route de la Soie

Cette intégration s’accélère dès 2013 avec la création du projet One Belt One Road de Xi Jinping, annoncé à Astana. L’Asie centrale est au cœur de ce projet. Le Tadjikistan ne semblait pas, dans un premier temps, être le centre d’intérêt de la Chine. La carte montrée par Xi Jinping montrait une route terrestre qui faisait un curieux détour pour inclure Douchanbe. Le manque d’hydrocarbures exploitables ou exploités dans le pays faisait perdre un avantage comparatif face au Kazakhstan ou au Turkmenistan. Pourtant, les investissements chinois ont afflué au Tadjikistan. Selon un organisme gouvernemental tadjik, l’investissement cumulé de la Chine en 2016 atteignait plus d’un milliard de dollars, près du tiers du total des Investissements Directs à l’Etranger réalisés au Tadjikistan depuis l’indépendance. La Chine a ainsi devancé la Russie dans le total d’IDE vers le Tadjikistan.

Politiquement, c’est une grande aide pour le régime tadjik. Celui-ci s’est difficilement construit suite à la guerre civile de 1992-1997. Seuls l’ancienne puissance tutélaire russe, le cousin iranien et la Chine émergente, ont été des alliés de poids dans la consolidation du pouvoir d’Emomali Rahmon. Suite aux attentats du 11 septembre et à l’intervention américaine en Afghanistan, le régime tadjik a regagné en respectabilité, mais de façon très relative. L’intégration du Tadjikistan aux projets chinois, en particulier la BRI, donne un nouveau souffle économique au pays, mais également politique à Emomali Rahmon.

Une économie dépendante

Toutefois, cette intégration se fait de plus en plus au détriment de la souveraineté tadjike. L’économie du pays est désormais totalement dépendante de Pékin, qui détient près de la moitié de la dette du pays. Cela rappelle le « piège de la dette chinoise » qui touche plusieurs pays d’Asie et d’Afrique. Certains d’entre eux comme le Sri-Lanka ont dû abandonner leur souveraineté sur des infrastructures. Au Tadjikistan, le Parlement a autorisé l’entreprise chinoise Kashgar Xinyu Dadi Mining Investment à exploiter la mine d’argent de Yakjilva, dans le district de Murghab. Cette décision a été prise suite à un débat d’une demi-heure, sans que les modalités du contrat ne soient connues. En particulier, un officiel du gouvernement a expliqué que l’entreprise ne paierait pas de taxes sur cette exploitation pendant sept ans, avant de contredire ses propos.

De même, les hydrocarbures inexploités au Tadjikistan sont la propriété d’un consortium incluant l’entreprise canadienne Thetys, le français Total et le chinois CNPC. Ce consortium a la pleine propriété des ressources exploitées (ou non), sans redistribution pour l’Etat tadjik. Autre exemple, afin de financer la construction d’une centrale électrique, l’entreprise chinoise TBEA a obtenu les droits d’exploitations d’une mine d’or dans le district de Soghd. Ces droits cesseront lorsque TBEA sera remboursé des frais de construction de l’usine.

Un manque de transparence inquiétant

Cette opacité concerne également la sécurité. Un article du Washington Post a révélé que la Chine a ouvert une base militaire secrète près du village tadjik de Shaymak, dans le Haut-Badakhshan. Celle-ci se situe donc près du Xinjiang, et de la frontière afghane, dans la province de Badakhshan où la Chine construirait également une base militaire. La présence chinoise a un intérêt tant pour la sécurité interne de la Chine et du Xinjiang, que contre les groupes armés d’Afghanistan, et toute potentielle déstabilisation du Tadjikistan.

Toutefois, le manque de transparence sur ces opérations a de quoi inquiéter. De plus, la guerre sino-américaine et la crise économique chinoise laissent penser à une baisse des investissements de Pékin vers l’étranger. La situation économique du Tadjikistan, déjà plutôt mauvaise, est inquiétante pour l’avenir du pays.

Bibliographie

Dirk van der Kley, « The Full Story Behind China’s Gold Mine-Power Plant Swap in Tajikistan », The Diplomat, 14 avril 2018

Gerry Shih, « In Central Asia’s forbidding highlands, a quiet newcomer: Chinese troops », Washington Post, 18 février 2019

Païrav Tchorchanbaïev/Etienne Combier, « Qui a conduit le secteur pétrolier et gazier du Tadjikistan dans une impasse ? », Novastan, 15 décembre 2018

Kamila Ibragimova, « Tajikistan gifts silver mine license to Chinese company », Eurasianet, 3 octobre 2019

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