Venezuela en crise, les pleins pouvoirs pour Maduro
Dimanche 15 mars 2015 à Caracas, le président du Venezuela Nicolas Maduro obtenait de l’Assemblée nationale des pouvoirs spéciaux. Ce vote permet au chef d’État vénézuélien de gouverner par décret jusqu’à la fin de l’année. C’est la 2ème fois que Nicolas Maduro a recours à ce procédé pour administrer son pays pour ne plus avoir à solliciter le parlement vénézuélien. Cette décision a lieu dans un contexte politique, diplomatique, économique et social particulièrement difficile pour le Venezuela.
Le Venezuela est plongé dans la crise. Une conjugaison de facteurs l’explique. Tout d’abord, ce pays sud-américain est frappé de plein fouet par la chute du prix du baril de pétrole. En pays rentier, le budget de la république bolivarienne est complètement dépendant des revenus de PDVSA, la compagnie pétrolière nationale, un véritable État dans l’État. Or, le pétrole vénézuélien a pour caractéristique d’être lourd et issu de sables bitumineux. Son raffinage nécessite des opérations plus poussées et donc plus coûteuses que pour le pétrole dit conventionnel. Résultat : avec un prix du baril sous la barre des 60 dollars, l’exploitation du pétrole vénézuélien n’est plus rentable. Privée des recettes des hydrocarbures, l’économie vénézuélienne est actuellement étranglée. Elle est en récession et affiche un taux de croissance de -3 % en 2014. Pour faire face, l’État vénézuélien est obligé de s’endetter sur les marchés et de puiser dans ses réserves qui s’épuisent rapidement.
Sur fond d’inflation élevée (68 %), l’État, gros pourvoyeur d’aides sociales, n’a plus la capacité d’assurer ses programmes de lutte contre la pauvreté. La grogne sociale monte d’autant plus que la situation sécuritaire du pays s’est dégradée. Le pays est classé 129ème sur 162 États selon le Global Peace index 2014. En outre, le contexte politique est marqué par une oppression inouïe de l’opposition. On dénombre environ 3 arrestations politiques par jour au Venezuela ; le maire de Caracas en a récemment fait les frais et se retrouve aujourd’hui en prison. La loi martiale a par ailleurs été décrétée lors des manifestations de 2014 : elle autorise la police a tiré à balles réelles sur les manifestants. Les investisseurs étrangers ont pour beaucoup fui le pays car le gouvernement applique une politique de rétention des capitaux qui empêchent les entreprises étrangères de rapatrier les fonds investis au Venezuela. Un mode de gestion incapacitant puisque sans IDE l’économie du pays mettra beaucoup plus de temps à se rétablir.
Les États-Unis : entre bouc-émissaire et cache-misère
Les relations diplomatiques entre les États-Unis et le Venezuela demeurent exécrables et s’aggravent de semaine en semaine. Rappelons que le pays figurait déjà aux côtés de l’Iran, de la Libye et de la Corée du Nord notamment, sur la liste des États voyous de l’administration Bush junior. Officiellement, les relations diplomatiques entre les 2 chancelleries sont rompues depuis 2010 (absence d’ambassadeurs) mais des contacts sont maintenus car les États-Unis demeurent un partenaire commercial incontournable pour le Venezuela, principalement pour écouler son pétrole (90 % des exportations du pays). Dans un style chaviste forcené mais avec une côte de popularité en chute libre (moins de 20 %), Nicolas Maduro tente d’expliquer que les États-Unis impérialistes sont la cause de tous les maux de la nation. En parallèle, il s’active pour renforcer ses partenariats bilatéraux avec les pays amis comme la Russie et Cuba.
L’horizon de Nicolas Maduro à la tête du Venezuela s’assombrit de jour en jour. Le récent rapprochement américano-cubain l’isole encore un peu plus alors que la puissance régionale sud-américaine, le Brésil, semble pour le moins distante. Les élections législatives de 2015 pourraient faire perdre davantage de crédibilité au président Maduro. Barack Obama pousse son avantage en profitant de la fragilité de son adversaire géopolitique. Ainsi a-t-il décrété des sanctions contre le Venezuela en expliquant que ce pays représentait « une menace extraordinaire pour la sécurité nationale » des États-Unis. Après plus de quinze années de chavisme anti-américain comme doctrine populiste d’État, le Venezuela semble s’acheminer vers une douloureuse et incertaine transition.