Les enjeux des élections présidentielles colombiennes
Le 17 juin prochain, 36 millions d’électeurs colombiens se rendront aux urnes pour le second tour des élections présidentielles. Celui-ci opposera le candidat de la droite, Ivan Duque, au candidat de la gauche indépendante, Gustavo Petro. Les résultats de ces élections seront déterminants pour le futur de la Colombie tant les propositions des deux candidats sont opposées. Les accords de paix avec les FARC, la crise vénézuélienne ou encore l’orientation économique du pays sont autant de sujets qui préoccupent et divisent la société colombienne.
Ivan Duque, le poulain de l’ancien président Alvaro Uribe (2002 à 2010) du Centre Démocratique est arrivé largement en tête du premier tour avec 40% des voix. Il sera opposé au second tour au candidat de gauche antisystème, Gustavo Petro. Cet ancien membre de la guérilla M-19 qui fut maire de la ville de Bogota (2012-2015) n’a obtenu que 25% des suffrages. Le centriste Sergio Fajardo, le troisième homme de cette élection, a rassemblé 23% des votes. Le report de ses voix pourrait faire pencher la balance vers l’un ou l’autre candidat. Ce dernier a pour autant affirmé qu’il voterait blanc avec un cinglant « ni Duque, ni Petro ». L’abstention et le vote blanc pourraient atteindre des taux inégalés tant le rejet de la classe politique par la population colombienne est important.
Le futur président aura la lourde tâche de rassembler des factions irréconciliables de la société colombienne. Illustrant ce ravin, les deux candidats proposent des modèles sociétaux totalement opposés. Duque, que l’on surnomme le « Macron d’Amérique latine » pour sa jeunesse et ses positions favorables aux investisseurs mène une campagne de droite. Il reprend les principaux thèmes chers à son gourou comme la réforme des accords de paix avec les FARC, un durcissement des relations avec le Venezuela de Maduro ou encore des positions conservatrices pour les questions de société comme l’avortement ou la légalisation des drogues. Duque entend dépasser et remettre en cause une partie de l’héritage de Santos, le Président sortant de centre droit. Ce dernier fut un certain temps le dauphin d’Uribe mais les accords de paix avec les FARC ont rompu leurs alliances politiques.
De l’autre coté de l’échiquier politique, l’ancien guérillero Gustavo Petro propose un programme résolument à gauche. Il est par ailleurs le premier candidat de cette orientation politique à atteindre le second tour d’une élection présidentielle. Accusé par ses détracteurs d’être un populiste souhaitant transformer la Colombie en un nouveau Venezuela, celui-ci se présente davantage comme un candidat antisystème. Ses principales mesures sont favorables aux plus démunis. Il prône plus juste répartition des richesses, une éducation gratuite, la fin des énergies fossiles et une négociation accrue avec les FARC et l’ELN. Il soutient un modèle économique plus fermé qui privilégierait la consommation domestique comme moteur de l’économie colombienne.
Les accords de paix avec les FARC, principal enjeu des élections
La remise en cause des accords de paix avec les FARC est le sujet clef de ces élections avec la lutte contre la corruption et l’orientation économique du pays. Santos a largement participé à l’ouverture de la Colombie en diversifiant les accords de libre-échange avec de nombreuses parties du monde. Ceci a été largement critiqué par une partie de population qui jugeait ce libéralisme comme facteur accentuant les inégalités socio-économiques. Outre ces préoccupations, l’intégration des FARC à la société colombienne soulève la controverse. Si Uribe souhaitait totalement remettre en cause les accords de paix, Duque se veut plus mesuré. Il propose de ne modifier que certains points des accords comme la possibilité de juger les guérilleros accusés de trafic de drogue ou encore en réduisant leur participation à la vie politique. Pour mémoire, le leader des FARC, Timochenko ne s’est pas présenté à l’élection présidentielle à la suite de l’échec de son parti politique aux élections législatives de 2016.
La très probable victoire de Duque, largement en tête des derniers sondages, pourrait ébranler la paix fragilement acquise après plus de 60 ans de conflits. En effet, les positions de ce dernier pourraient remettre en cause cet équilibre précaire. Victimes de violences de groupes paramilitaires d’extrême droite depuis la signature des traités, les anciens guérilleros dénoncent leur absence de protection par l’Etat. L’élection du champion d’Uribe pourraient les pousser à reprendre les armes.