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Rosatom, le champion russe du nucléaire

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Mardi 10 février 2015, Vladimir Poutine effectue une visite d’État en Égypte, la seule dans ce pays depuis 2005. Le président russe a été reçu au Caire par son homologue égyptien, Abdel Fattah al-Sissi. Les 2 chefs d’État ont convenu de poursuivre leur coopération militaire et de renforcer leurs partenariats concernant l’énergie, les investissements et le tourisme. Surtout, un protocole d’entente a été signé au sujet de la construction d’une centrale nucléaire destinée à la production d’électricité sur le site d’Al-Dabaa, à l’ouest d’Alexandrie. L’Agence fédérale de l’énergie atomique russe Rosatom a remporté le contrat.

Rosatom, la conglomérat de l'Etat russe est le leader mondial du nucléaire
Rosatom, la conglomérat de l’Etat russe est le leader mondial du nucléaire

Cette rencontre a lieu dans un contexte difficile pour les 2 hommes : Poutine fait face aux sanctions euro-américaines et à la chute du prix du pétrole qui minent l’économie russe (dépréciation brutale du rouble) tandis que le président Sissi s’inquiète de la montée des forces djihadistes et du chaos sécuritaire dans lequel est plongée la Libye voisine et qui tend à se propager au pays des pharaons (vague d’attentats au Caire et dans le Sinaï). Le soutien du chef du Kremlin au groupe Rosatom s’inscrit dans la stratégie de diversification des partenaires de la Russie. Face aux sanctions des Européens et des Américains, Moscou réoriente sa diplomatie économique vers les nouveaux émergents et renforce ses liens avec des partenaires traditionnels comme l’Inde. Une stratégie de repli qui contribue à construire le monde multipolaire que Poutine appelle de ses vœux et au sein duquel il positionne la Russie en tant que centre influent.

Rosatom se pose en leader du nucléaire mondial. Le conglomérat est présent dans l’ensemble de la filière nucléaire, de l’extraction d’uranium à la maintenance des installations et à la gestion des déchets nucléaires. Rosatom, c’est un réacteur nucléaire sur six dans le monde. Il dispose d’un carnet de commandes impressionnant en 2014 : 23 réacteurs nucléaires sont actuellement en construction tandis que 26 autres sont en cours de négociation ou d’appel d’offres et 32 à l’étude. Au total, Rosatom engrange un total de 100 milliards de dollars en 2014 (en augmentation de 36 % sur un an) grâce à son portefeuille de commandes exceptionnel, comparé aux 6 réacteurs construits actuellement par son concurrent français Areva. Selon le directeur général de Rosatom, cette manne représente 10 ans de revenus sécurisés pour le groupe. En outre, Rosatom bénéficie du soutien inconditionnel du Kremlin qui lui a commandé 9 réacteurs et qui n’a pas hésité à placer son champion du nucléaire dans sa liste des 199 entreprises les plus stratégiques pour la Russie et qui sont par conséquent éligibles au plan anti-crise de 30 milliards d’euros mis en place par Moscou.

Notons que Rosatom ne figure pas sur la liste noire occidentale et ne fait donc l’objet d’aucune sanction. Même le conflit ukrainien ne l’arrête pas. La holding poursuit en effet ses livraisons de combustibles nucléaires en Ukraine et Kiev s’acquitte de son règlement. Malgré Fukushima, de nombreux pays sont tentés de se lancer dans la production d’énergie nucléaire pour répondre à leurs besoins croissants en électricité. C’est le cas du Bangladesh et du Vietnam qui ont commandé 2 réacteurs nucléaires chacun. Dans ces États, Poutine officie en représentant de Rosatom et propose des conditions séduisantes et inédites dans ce secteur si stratégique : des facilités de financement et surtout une prise en charge complète de la centrale nucléaire via sa filiale Rosatom Overseas. Cette dernière propose en effet des contrats spéciaux dits « build-own-operate » (construire-détenir-exploiter) qui font de Rosatom – et donc indirectement de l’État russe – le propriétaire de centrales nucléaires à l’étranger.

Par son intégration et sa maîtrise complètes de la filière nucléaire et sa présence effective aux quatre coins du monde, Rosatom s’impose en tant que leader du nucléaire à l’échelle mondiale. Pour Moscou, Rosatom est plus qu’une simple entreprise. Il s’agit de son bras armé, géopolitique et géoéconomique, qui lui permet de pénétrer les marchés étrangers, de s’y implanter durablement et de bâtir un lien de dépendance en faveur du Kremlin entre les États cibles et la Russie.

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Rémy SABATHIE

Secrétaire général et rédacteur géopolitique pour Les Yeux du Monde, Rémy Sabathié est analyste en stratégie internationale et en cybercriminalité. Il est diplômé de géopolitique, de géoéconomie et d’intelligence stratégique.

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