Le couple franco-allemand en crise : qui porte la culotte ?
Au début de la crise financière en septembre 2008, la France n’a pas hésité à prendre la tête des initiatives européennes pour proposer très tôt des stratégies de relance, reprochant à son voisin Allemand son indécision, voire son inertie. Pourtant, ces deux dernières années semblent indiquer que l’avantage stratégique et la capacité d’influence ont basculé de l’autre côté du Rhin…
Certains indices, tant en matière de politique européenne que de stratégies économiques et diplomatiques, sont significatifs de ce basculement. Tout d’abord, la crise de l’euro et de l’endettement (qui atteint son apogée en Grèce en 2009 et aujourd’hui en Irlande) ont mis en évidence la nécessité de mécanismes de gestion des crises de la dette, et c’est l’avis de l’Allemagne qui a prévalu, notamment par l’adoption dès 2013 de sanctions contre les pays de l’UE ne respectant pas les conditions du pacte de stabilité. Indicateur économique, la croissance allemande de l’année, portée par une augmentation toujours plus rapide des exportations par rapport aux importations, est évaluée à 3,7% du PIB, contre seulement 1,6% en France, et pour une moyenne européenne de 1,7%. L’Allemagne profite en effet de sa meilleure compétitivité et de sa plus grande flexibilité du travail. L’analyse prospective des déficits vient confirmer ce constat : 3% du PIB seulement pour l’Allemagne en 2011 contre plus de 6% pour la France. Et cela sans considérer le basculement du centre de gravité non seulement économique, mais aussi géométrique de l’UE vers l’Est à cause des derniers élargissements.
Cette semaine France et Allemagne ont fait montre d’une grande unité lors du 13ème Conseil des ministres franco-allemand à Fribourg. Cette bonne entente apparente qui prête à la France une posture privilégiée et protège l’Allemagne des accusations d’unilatéralisme n’est en réalité qu’un rideau de fumée et ne doit pas cacher le fait que le gouvernement est parfaitement conscient de cette montée en puissance ; preuves à l’appui la réforme des retraites et la reconduite de François Fillon qui sont aussi des signaux envoyés aux marchés financiers et aux partenaires économiques quant à l’importance accordée à la réduction des déficits.
La montée en puissance économique et politique de l’Allemagne n’est pas seulement le fait d’un recul de la France. En effet, si depuis la deuxième guerre mondiale l’Allemagne mettait sa puissance économique au service de l’Europe et si la France lui accordait une légitimité politique, la nouvelle génération de politiciens allemands ne ressent plus le besoin de cette protection et ne veut plus avoir honte de défendre les intérêts nationaux. L’entrée de l’Allemagne dans « les Six » le prouve. Une remarque de Laurent Wauquiez, ministre des affaires européennes : « Maintenant nous nous rendons compte qu’elle [la relation franco-allemande] n’est pas qu’une nécessité, elle est plus importante que jamais ». La France prendrait donc conscience du rôle fondamental du partenariat avec l’Allemagne au moment même où elle est plus que jamais dans une position de faiblesse…