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Barkhane : l’opération à plusieurs inconnues (2/3)

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Après une première présentation des écueils que l’opération Barkhane rencontre, il devient intéressant d’étudier plus en détail les apports de cette intervention armée pour les pays partenaires et pour la France.

Barkhane, opération militaire qui assiste les Etats locaux…

Insigne du Groupement Commando Montagne
Insigne du Groupement Commando Montagne, troupe d’élite française dans l’opération Barkhane

Cette intervention, apparemment très contestée, se légitimise pourtant par les pouvoirs en place dans les cinq pays concernés. La Mauritanie, le Mali, le Burkina-Faso, le Niger et le Tchad ont en effet sollicité la présence de militaires français dans une région très vaste. Cette immensité est difficile à contrôler et des portions entières de ces territoires échappent aux contrôles effectifs des pouvoirs régaliens. Ce principe d’aide transfrontalière à portée régionale vise ainsi à un retour de l’Etat de droit sur la zone.

L’armée française forme et entraîne les forces locales dans le but de les rendre autonomes. Des instructeurs français ont donc à charge de former les futurs cadres des armées locales. L’objectif est que ces futurs chefs locaux forment eux-mêmes leurs soldats permettent ainsi un retrait de la force Barkhane.

…Mais qui frappent également les groupes djihadistes

Cependant, les forces commandos françaises spécifiques s’emploient à lutter directement contre l’ennemi. Celles-ci se composent majoritairement du Groupement Commando Montagne et du Groupement Commando Parachutiste. Ces soldats d’élite effectuent des actions militaires jusque dans des zones reculées, qui servent de refuges aux groupes terroristes. Cette lutte s’effectue avec des intervention dites « d’opportunité », à savoir la détection d’une colonne djihadiste et une opération de réponse suite à la découverte d’une activité. Les forces spéciales sont également présentes mais s’orientent vers des missions stratégiques. De plus, des unités de renseignement servent également à dissiper le « brouillard de la guerre ». Enfin, des unités régulières occupent le terrain et mènent des patrouilles.

Par ailleurs, l’armée française permet un soutien aux opérations des forces locales grâce à un appui aérien. L’Armée de l’air et l’Aviation Légère de l’Armée de Terre (ALAT) se déploient sur le théâtre

Les dernières attaques djihadistes sur les forces locales démontrent malheureusement un fait. Sans la présence des troupes françaises, les armées des différents pays du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Tchad et Niger) ne sont pas forcément en mesure de contenir les GAT (Groupes Armés Terroristes) sur leur sol. Quitter le territoire immédiatement laisse à craindre une chute des Etats ou d’une très large partie de leur territoire.

Barkhane, intervention pour empêcher un « Sahelistan »

La France a plusieurs intérêts à ne pas laisser la région tomber sous la coupe djihadiste. Depuis le détournement de l’Airbus de 1994, le terrorisme africain à l’encontre de la France inquiète. L’Élysée n’a donc absolument aucun intérêt à voir se développer une zone grise étendue en Afrique subsaharienne.

La crainte d’un « Sahelistan » de la Mauritanie à la Libye est ainsi une menace parfaitement prise en compte. Un tel lieu, plaque tournante de différents trafics, zone d’entraînement de potentiels terroristes, et zone refuges de « revenants » français du Levant laisserait craindre une future base arrière de constitution d’attentats plus complexes.

La France a également pour objectif de stopper l’avancée d’un islam bien plus radical qu’à l’accoutumée dans la région.  L’Afrique subsaharienne voit en effet ses pratiques religieuses évoluer vers une pratique plus rigoriste de l’Islam. La montée d’une idéologie salafiste, initiée par des soutiens financiers du golfe persique et de riches entrepreneurs dès les années 1980, a profondément changé les pratiques religieuses africaines. Les jeunes étudiants fréquentent ainsi des écoles coraniques en rupture des pratiques de leurs aînés.

Bien que ce ne soit pas un crime de pratiquer une religion de manière plus assidue et conservatrice, il en ressort un soutien de plus en plus net à des mouvances extrémistes, telles que Boko Haram. Cette secte qui opère en partie au Niger est responsable de la mort de milliers d’Africains.

Barkhane, mission de protection de la diaspora française

L’Afrique subsaharienne est également une zone francophone de premier plan. De nombreux membres des diasporas se trouvent donc en France. Un risque non négligeable de mouvement de réfugiés en direction de l’Hexagone est envisageable. En effet, environ 100 000 Maliens se trouvent actuellement en situation régulière dans l’Hexagone, la France est le pays européen favori de la diaspora malienne. Ce nombre, relativement faible à l’échelle des 67 millions de Français est cependant révélateur d’un point central : la francophonie et la présence d’une diaspora importante rend le pays attractif. Une crise humanitaire serait donc une menace avérée pour Paris.

Cependant, une diaspora économique française vit également dans la région et l’Elysée a également un devoir à l’égard de tout compatriote. Comme le rappelle l’intervention des commandos marines au Burkina Faso, les Français sont sous protection de l’armée française. L’intervention Barkhane est donc également un moyen de protéger les entrepreneurs et résidents en Afrique. Ainsi, environ 6000 français vivaient au Mali en 2013, environ 3300 au Burkina Faso et environ 1600 au Niger. La protection de ses compatriotes est donc également une raison, certes moins visible, mais importante de la France.

Stabilisation régionale

Enfin, des pays voisins, qui pourraient être déstabilisés par les événements du Sahel sont particulièrement surveillés. Tout d’abord, le Maghreb, zone géographique frontalière, qui pourrait souffrir des différents mouvements de GAT dans la zone, mais également l’Afrique de l’Ouest, comme la Côte d’Ivoire, qui est un verrou stratégique à briser pour les djihadistes, car cela permettrait un accès direct à la mer. Les élections présidentielles d’automne 2020 sont donc à surveiller avec attention. Un accord de défense entre Paris et Yamoussoukro, datant de 2012, engage, en effet les deux pays.

Les enjeux, majoritairement sécuritaires, sont donc bien plus important que des enjeux économiques bien souvent fantasmés.

Sources :

-« La France négocie avec la Mali le retour des migrants irréguliers », Le Monde, 05 Mars 2019, (https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/03/05/la-france-negocie-avec-le-mali-le-retour-des-migrants-irreguliers_5431822_3212.html)

-« La diaspora africaine en France », France Diplomatie, Février 2019, (https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/afrique/la-diaspora-africaine-en-france/)

-« Communauté française », Ambassade de France à Ouagadougou, (https://bf.ambafrance.org/Communaute-francaise)

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Harold MICHOUD

Harold Michoud est étudiant de Grenoble Ecole de Management et effectue une poursuite d'étude en géopolitique au sein de l'IRIS SUP'.

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