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Éthiopie: un accord de paix avec le Tigré

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Un accord de paix, signé le 2 novembre 2022 à Pretoria, en Afrique du Sud, est venu mettre un terme à près de deux années d’un conflit qui opposait le gouvernement éthiopien au Front de Libération du Peuple du Tigré (TPLF). Cet accord prévoit, en premier lieu, une cessation des hostilités.

Carte Ethiopie élections situation Tigré
La région du Tigré, au nord du pays (en vert).

Aux origines du conflit

Le conflit au Tigré, au nord de l’Éthiopie, a débuté en novembre 2020. En effet, le TPLF, après avoir dirigé le pays pendant plusieurs décennies, s’est vu marginalisé après l’élection de Abiy Ahmed en 2018. Le territoire du Tigré a concentré l’essentiel des affrontements, avec des belligérants bien identifiés. Le gouvernement éthiopien, avec ses forces armées, fut soutenu par les forces armées de la région Amhara, voisine du Tigré, et par l’Erythrée. Le TPLF mena, de son côté, des contre-attaques à l’encontre de cette coalition afin de tenter de défendre sa région.

Les conséquences de ce conflit sont de plusieurs ordres. Certaines estimations révèlent que des dizaines de milliers de civils ont perdu la vie. Des millions de personnes devinrent déplacées internes, certains se réfugiant au Soudan. De plus, des exactions contre les civils ont été commises, notamment des viols, utilisés comme arme de guerre. Des homicides de masse ont été perpétrés et sont constitutifs de crimes de guerre et de crime contre l’humanité.

Enfin, la destruction de nombreuses infrastructures critiques, comme des ponts, contribua à isoler davantage certaines populations.

Ce conflit a également souffert d’un manque de visibilité. Dès le commencement, le gouvernement éthiopien a empêché l’accès à la région, tant aux journalistes qu’aux experts indépendants. Les communications au Tigré ont été coupées, rendant difficile l’accès à des informations sur le terrain.

Les conditions de négociation de l’accord

De précédents pourparlers avaient été convoqués par l’Union Africaine (UA), début octobre 2022, en Afrique du Sud. Toutefois, ils firent l’objet d’une annulation, en raison de problèmes d’organisation.

Il est possible de se questionner sur la rapidité de la négociation et de la signature de la paix entre les parties. Plusieurs éléments de réponse expliquent la situation.

Tout d’abord, la situation humanitaire catastrophique au Tigré explique cette promptitude. Le manque d’accès de la population locale aux denrées alimentaires de base ou aux soins est un premier facteur important.

Ensuite, l’Éthiopie traverse une situation économique délicate. Des sanctions ont été infligées à Addis-Abeba, depuis le début de ce conflit. Un fort ralentissement de la croissance explique la prévision du Fonds monétaire international (FMI) de 3,8% de croissance pour 2022. Les réserves de change s’amenuisent, au même titre que les investissements directs à l’étranger. Par ailleurs, une forte inflation se fait ressentir dans le pays. Tous ces éléments ont conduit une délégation éthiopienne à se rendre à Washington en octobre dernier afin de négocier une restructuration de la dette nationale.

Le rôle actif de l’UA dans la résolution de ce conflit à souligner. En effet, à travers son Conseil de sécurité et de paix (CPS), l’UA a pu réunir les différentes parties afin de s’entendre sur une cessation des hostilités. Le CPS est un organe décisionnel permanent de l’UA pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits.

Par ailleurs, l’ancien président nigérian, Olusegun Obasanjo, en sa qualité de haut représentant de l’UA pour la Corne de l’Afrique, a conduit la médiation entre les parties. L’ancien président kényan Uhuru Kenyatta, ainsi que l’ancienne vice-présidente sud-africaine Phumzile Mlambo-Ngcuka étaient présents pour l’assister.

Les particularités de cet accord

Cet accord de paix, de son nom officiel « Accord pour la paix durable et la cessation permanente des hostilités », a abouti après d’intenses discussions, qui auront duré une dizaine de jours.

Une des premières caractéristiques de cet accord est qu’il intervient dans le cadre d’un conflit armé dit interne ou non-international. En effet, pour retenir une telle qualification, un conflit doit opposer des forces gouvernementales à un groupe armé et ce, sur le territoire d’un seul Etat. En l’espèce, les forces armées éthiopiennes étaient bien opposées aux forces armées du TPLF. Toutefois, dans cet accord, il n’est pas fait mention des forces armées érythréennes. Or, elles ont pourtant participé au conflit, sur le territoire éthiopien, aux côtés des forces gouvernementales.

Cet accord repose sur le droit national en vigueur en Éthiopie, comme rappelé dès le premier alinéa du préambule de l’accord. Le droit international ne peut ainsi pas s’y appliquer, car la signature ne concerne pas deux sujets de droit international (Etats ou organisations internationales).

Quels engagements pour les parties ?

L’accord se base tant sur des engagements mutuels que sur des obligations individuelles.

Cet accord a pour objectifs, notamment, de « restaurer l’ordre constitutionnel au Tigré » (article 1, alinéa 2 de l’accord) ou encore de « garantir la sécurité pour tous » (article 1, alinéa 4).

Les parties s’accordent sur le « respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’unité de la République fédérale éthiopienne » (article 2, a)).

Le gouvernement éthiopien s’engage à « rétablir les services essentiels au Tigré » ainsi que les fournitures humanitaires (article 7, alinéa 2, b)). Quant au TPLF, il doit « respecter l’autorité constitutionnelle du gouvernement fédéral » (article 7, alinéa 1, a)) ou encore « s’abstenir de mettre en place la conscription […] ou de préparer un conflit ou des hostilités » (article 7, alinéa 1, d)).

La protection des civils ou encore l’accès humanitaire sont également mentionnés.

L’accord prévoit des dispositions phares, comme le désarmement, la démobilisation et la réintégration (DDR) en son article 6. Le DDR concerne les combattants du TPLF, qui doivent rendre les armes.

L’article 10 renseigne sur la mise en place d’une « politique globale de justice transitionnelle ». Celle-ci doit permettre de révéler la vérité, de réparer les dommages subis par les victimes et de mener à la réconciliation. Ce mécanisme de justice transitionnelle se fonde sur la politique de justice transitionnelle mise en place par l’UA depuis 2019.

La difficile mise en œuvre des dispositions négociées

La mise en œuvre du texte, qui se base sur la bonne volonté des parties, semble délicate. Sur les deux principaux points, à savoir le désarmement et la justice transitionnelle, il existe une insuffisance d’éléments concrets fournis.

Les conditions, notamment financières, du DDR, n’apparaissent pas. En outre, pour désarmer, le TPLF doit avoir une confiance totale au gouvernement. Ceci ne constituant pas une garantie à l’heure actuelle.

L’accord, qui certifie la mise en place de la justice transitionnelle, « n’indique pas la nature ou la forme des mécanismes » qui seront appliqués. La justice transitionnelle ne peut pleinement prendre effet qu’après l’établissement d’enquêtes et de poursuites judiciaires. Ceci présuppose donc une volonté du gouvernement éthiopien d’établir toutes les responsabilités lors de ce conflit, y compris les siennes. De nombreux rapports d’organisations non-gouvernementales (ONG) démontrent que des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ont été perpétré, tant par les forces gouvernementales que par les forces du TPLF. L’implication des forces érythréennes dans ces crimes est également documentée. Cela représente une complication dans l’établissement de cette justice transitionnelle.

Dans un conflit qui aura été dévastateur pour les populations civiles, les infrastructures et l’économie éthiopienne, l’accord de paix apporte un répit bienvenu. L’UA a pu incorporer son rôle d’instance favorisant le dialogue et la résolution pacifique des différends. Afin que la paix perdure, la bonne foi et la confiance entre les parties est un impératif.

De surcroît, des enquêtes indépendantes devront être menées pour établir les responsabilités. L’UA, garante de l’accord, devra être attentive à la mise en œuvre de l’accord, et dans son volet le plus pressant, à savoir l’aide humanitaire. Cet accord est un motif d’espoir pour stabiliser le pays et plus largement, la Corne de l’Afrique.

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Cédric GOUDEAGBE

est diplômé d'un Master 2 en droit public, mention défense et sécurité. Intéressé par les relations internationales, les questions de défense et l'Afrique.

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