Le cycle de Doha est-il définitivement un échec ?
Presque 18 ans après le lancement du cycle de Doha, aucun des objectifs d’origine n’a été atteint. Malgré plusieurs relances intentées par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), les négociations se heurtent en permanence aux intérêts individuels des pays membres. Cet échec peut-il être considéré comme la représentation d’un multilatéralisme dysfonctionnel ? Est-il la conséquence du retour du protectionnisme au sein des grandes puissances mondiales ?
Les négociations au point mort
Lancé en 2001, le cycle de Doha est un programme de négociation sous l’égide de l’OMC. Le principal objectif du projet est de libéraliser l’économie mondiale. En ce sens, les négociations cherchent en premier lieu à supprimer de nombreux droits de douane. Par ailleurs, les subventions accordées par les Etats sont également remises en question, notamment sur le sujet de l’agriculture. Le cycle de Doha se présente comme un programme de développement pour permettre aux pays les moins avancés d’accéder aux marchés des pays riches. Alors qu’il ne devait durer que trois ans, la difficile recherche de consensus entre les États n’a cessé de repousser les échéances jusqu’à mener les négociations dans l’impasse.
Le cycle de Doha avait été déclaré comme un échec en 2006 avant d’être relancé à Bali en décembre 2013. Lors de cette réunion, les États ont conclu un accord de facilitation des échanges (AFE), entré en vigueur en 2017. Les membres présents ont également décidé de supprimer les droits de douane pour 200 produits de haute technologie. Les pays en voie de développement sont les plus grands défenseurs du processus de Doha. En effet, la suppression des subventions de l’Union Européenne et des États-Unis dans le domaine agricole serait, pour eux, une aubaine. Toutefois, les pays du Nord exigent une réciprocité et demandent à ceux du Sud l’ouverture de leur marché industriel. Face au refus catégorique de ces derniers, les négociations sont désormais gelées.
Des politiques de plus en plus protectionnistes
Les États membres cherchent régulièrement à relancer le cycle de Doha. Néanmoins, la dégradation des relations interétatiques et le retour du protectionnisme viennent enterrer petit à petit le projet. Yvan Decreux déclarait en 2008, « il faut éviter qu’un pays ne mette le doigt dans l’engrenage et entame un processus négatif de protection, car un cycle de représailles se mettrait en place ». L’élection de Donald Trump au poste de Président des États-Unis est venue illustrer ce propos. Depuis sa prise de poste, ce dernier poursuit une politique économique protectionniste tout en attaquant la légitimité de l’OMC et en bloquant son fonctionnement.
Depuis 2016, les États-Unis ont imposé de nombreuses taxes punitives dans le domaine commercial. En résulte une augmentation record des conflits présentés devant l’Organe de Règlement des Différends (ORD) de l’OMC en 2018. L’hostilité affichée de Donald Trump envers la gouvernance mondiale a entériné un multilatéralisme déjà dysfonctionnel. Les Etats communiquent de moins en moins et les litiges ont remplacé les négociations.
Un multilatéralisme dysfonctionnel
L’échec du cycle de Doha s’explique donc par une coopération inter-étatique défaillante. Il est également le résultat d’une tendance à la baisse du commerce international. En effet, le programme souhaite libéraliser l’économie et faciliter l’ensemble des échanges au niveau mondial. Pourtant, les États mènent des politiques de plus en plus protectionnistes et les transactions internationales diminuent. Finalement, le cycle de Doha est la représentation de l’impact d’un multilatéralisme dysfonctionnel sur l’économie mondiale. À partir de ces constats, il semble important d’envisager une réforme de l’OMC ainsi qu’une réflexion sur la dégradation des relations inter-étatiques.