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Le Forum de pensée critique : une réponse à la montée de la droite en Amérique du Sud ?

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En marge du prochain G-20 de Buenos Aires, les principales figures politiques et intellectuelles de la gauche latino-américaine se sont rassemblées lors du premier « Forum de pensée critique ». En réponse à la montée de la droite en Amérique du Sud, la gauche sud-américaine tente de se remobiliser et se restructurer en vue des prochaines échéances électorales. Les anciennes présidentes du Brésil, Dilma Rousseff (2011-2016) et d’Argentine, Christina Kirchner (2007-2015)  ont  ainsi plaidé pour un autre modèle de gouvernance en Amérique Latine. Cet événement organisé par le Conseil latino-américain de Sciences Sociales se présente sans le dire comme un anti-G20 au relent anti-néolibéral.

Rousseff et Kirchner, têtes d’affiches du forum

Pour beaucoup, l’élection de Jair Bolsonaro à la tête de la plus grande démocratie latino-américaine parachève la fin du cycle « progressiste » commencé au début de ce siècle. Depuis l’élection de Mauricio Macri en Argentine en 2015, les gouvernements de gauche des principaux Etats sud-américains ont été renversés. Le président argentin a profité du rejet de la figure kirchneriste pour se hisser au pouvoir.  En 2016, le parlement brésilien a destitué Dilma Rousseff à travers un supposé « coup d’Etat constitutionnel ». Au Chili, malgré le bilan positif du mandat de Michèle Bachelet, le conservateur Sebastián Piñera est revenu au pouvoir en 2017. Enfin, les dernières élections présidentielles paraguayennes et colombiennes ont maintenu des gouvernements conservateurs. Ce constat conduit à s’interroger sur les raisons de l’essoufflement, voire de l’échec de ces gouvernements qui dominaient jusqu’alors le continent.

Trois grands facteurs peuvent expliquer la « fin » de ce cycle. Tout d’abord, les crises économiques ont touché de plein fouet l’ensemble des Etats latino-américains. La stratégie de re-primarisation des économies menée par les gouvernements de gauche n’a pas su endiguer les conséquences du ralentissement de l’économie mondiale. Au contraire, elles ont été davantage fragilisées. En outre, les gouvernements progressistes n’ont pas su coordonner leurs politiques au niveau régional. L’échec de l’ALBA (Alliance bolivarienne pour les Amériques) créée pour l’occasion en 2004 en est le meilleur exemple. Enfin, ils n’ont pas su juguler le développement de la violence et de la corruption dans leurs Etats respectifs. Au contraire, le sentiment de « tous pourris » a pu s’accentuer au sein de leurs sociétés. Cela a favorisé l’émergence de personnalités et de partis politiques populistes sur le continent.  Malgré ce panorama globalement négatif, la gauche latino-américaine n’est pas pour autant entièrement décimée. En 2018, le Mexique, deuxième pays le plus peuplé d’Amérique Latine a élu pour la première fois un candidat de gauche. En Colombie, malgré l’élection du conservateur Ivan Duque, la gauche non révolutionnaire n’a jamais été aussi forte. Elle se structure comme une force d’alternance crédible. Enfin, au Costa-Rica le gouvernement de centre-gauche sortant a été réélu.

Dans toute crise naît une opportunité

Le Forum de pensée critique se veut une réponse intellectuelle à la montée de la droite en Amérique du Sud. A ce titre, les deux principales têtes d’affiches, Dilma Rousseff et Cristina Kirchner, ont défendu le bilan de la gauche et de ses différents acquis sociaux. Elles ont appelé à l’unité des gauches face aux conservateurs. Elles soutiennent ainsi la création d’un front démocratique rassemblé autour de l’opposition aux politiques « néolibérales et fascisantes ». L’ancienne présidente brésilienne a rappelé les dangers de l’élection de Bolsonaro pour les minorités et plus généralement pour la stabilité de l’Amérique Latine. De son côté, l’ex-présidente argentine, a fustigé la politique libérale de Mauricio Macri et notamment le recours au plan d’aide du FMI. Pour mémoire, 2019 sera une année d’élection présidentielle en Argentine. Bien que la figure de Christina Kirchner divise la société argentine, celle-ci dispose encore d’un important soutien populaire et péroniste (idéologie politique dominante en Argentine). Elle pourrait se lancer dans une nouvelle candidature.

La stratégie de remobilisation de la gauche latino-américaine autour de l’opposition traditionnelle au néolibéralisme est-elle pour autant pertinente ? A l’heure où le clivage gauche/droite est dépassé par la division démocrate/autoritaire. Du régime chaviste de Maduro au Venezuela aux dernières élections brésiliennes en passant par les dérives autoritaires d’Evo Morales en Bolivie, la question mérite d’être posée. Dans toute crise naît néanmoins une opportunité. La gauche latino-américaine devrait être particulièrement attentive au développement des mouvements issus de la société civile sud-américaine. Des courants féministes et afro-américains ont ainsi émergé en réaction à l’arrivée des droites au pouvoir. Ils pourraient être une source de rassemblement et donner un nouveau souffle à l’idéologie progressiste latino-américaine.

Sources :

Cycle de conférences de IHEAL CREDA et de l’OPALC ( Erica Guevara, Olivier Dabène, Franck Gaudichaud, Franck Poupeau, Dario Rodriguez)

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