Rétrospective 2016 : une année de rupture(s) en Amérique du Sud (1/2)
Référendums, crise économique, alternances démocratiques, conflits sociaux ou perturbations climatiques : le moins que l’on puisse dire, c’est que l’année fut riche en actualités en Amérique du Sud. 2016 devrait ainsi marquer un tournant, marquant la fin d’un cycle social et politique de près d’une décennie. Première partie de notre bilan de l’année avec l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili et la Colombie.
Argentine : L’échec de la rupture libérale de Macri
Élu en novembre 2015 sur un programme de rupture libérale vis-à-vis de la politique protectionniste menée par les époux Kirchner au pouvoir depuis douze ans, Mauricio Macri ne parvient pour le moment pas à redresser l’Argentine. Il faut dire qu’après avoir promis l’éradication de l’extrême-pauvreté, la hausse des salaires, la maîtrise de l’inflation, le contrôle des changes et la baisses des impôts, l’attente était grande autour du nouveau président, et force est de constater que l’économie argentine est toujours en panne. Pourtant, les premiers mois s’étaient avérés positifs : Macri a su régler le litige des fonds vautours permettant à son pays de se financer sur les marchés internationaux et de lever le contrôle des changes. Depuis, les accrocs se sont pourtant accumulés pour l’ancien entrepreneur, entre les accusations à son encontre dans les Panama Papers et surtout la faiblesse de la croissance en Amérique du Sud due aux crises brésilienne et vénézuélienne. Au final, l’Argentine est entrée en phase de récession, la dette extérieure est passée à 50 milliards de dollars, l’inflation est montée à 40%, le chômage a repris sa hausse et la pauvreté a augmenté. Tout l’enjeu pour Mauricio Macri sera donc de renverser ce cycle négatif dans les prochains mois, ce qui semble loin d’être gagné. Les élections intermédiaires de 2017 où une partie du Parlement sera renouvelée devraient s’avérer extrêmement difficiles pour le gouvernement, bien que l’opposition demeure divisée.
Bolivie : début de fin de règne pour Evo Morales ?
En Bolivie, l’année avait commencé par un référendum tout-à-fait particulier : modifier la Constitution pour permettre à Evo Morales – au pouvoir depuis 2006 – de briguer un nouveau mandat alors qu’il avait déjà effectué un changement constitutionnel plusieurs années auparavant pour se maintenir au pouvoir. Malgré sa grande popularité, en particulier dans les milieux ruraux, Morales s’est heurté à la victoire du « non » avec 51,3% de voix : en janvier 2020 devrait donc s’achever sa présidence, même si son parti le Movimiento al Socialismo (MAS) tente de le maintenir au pouvoir. À l’international, le président bolivien s’est montré particulièrement actif : il conduit un rude combat diplomatique avec le Chili concernant le rétablissement de son accès au Pacifique (son voisin mène selon lui un « économicide » contre son pays) qui se jouera à la Cour Internationale de la Haye et a opéré un rapprochement avec le nouveau président péruvien, Pedro Pablo Kuzcynski. C’est davantage sur le plan intérieur que Morales a connu des difficultés. Malgré l’une des économies les plus dynamiques du sous-continent avec 3,5% de croissance estimée pour 2016, la contestation sociale s’accroît : des protestations de mineurs ont donné lieu à l’assassinat d’un ministre et de grandes manifestations ont lieu contre les coupures d’eau liée à la terrible sécheresse qui sévit actuellement, obligeant Morales à décréter l’état d’urgence.
Brésil : l’année noire
2016 devait être une année de fête pour le Brésil, avec la réception des Jeux Olympiques à Rio de Janeiro. En dépit de problèmes liées à des infrastructures inachevées, les Jeux s’y sont relativement bien déroulé mais n’ont pu résoudre la crise traversée depuis de nombreux mois par le pays. Entravée par le scandale Petrobras qui a touché les plus hauts sommets de l’État et une affaire de maquillage des comptes publics, la présidente Dilma Rousseff – héritière de Lula, lui-même attaqué par la justice brésilienne – fut destituée le 31 août 2016 au profit de son ancien allié Michel Temer. Ce dernier a notamment fait voter un gel des dépenses pour les vingt prochaines années afin de contenir le déficit public, mettant en danger les programmes sociaux lancés par les gouvernements précédents et malgré la victoire de sa coalition de centre-droit lors des municipales, il fait face à une impopularité record. Les scandales de corruption continuent de s’accumuler et la situation économique de la première puissance d’Amérique du Sud ne s’améliore pas : la récession s’élèvera -4,3% du PIB et le chômage est en hausse. Le président par intérim apparaît comme incapable de résoudre la crise politique qui l’a amené au pouvoir et à laquelle il a grandement participé. Le Brésil étant le principal moteur de l’économie sud-américaine, cette situation affecte l’ensemble du continent.
Chili : difficile fin de mandat pour Michelle Bachelet
Très appréciée à l’issue de son premier mandat présidentiel (2006-2010) avec 80% d’opinions positives, Michelle Bachelet fut facilement réélue à la tête du Chili en 2013, mais s’enfonce dans une impopularité jamais vue depuis le retour du pays à la démocratie. Élue sur un programme ambitieux visant la gratuité de l’université et de la santé publique ainsi que la réforme des institutions laissées en héritage par Pinochet, Bachelet s’est heurtée depuis 2014 à la stagnation de l’économie chilienne. Même si la croissance devrait s’établir autour de 2% cette année, elle pâtit du ralentissement de la croissance de la Chine (qui est devenue le premier partenaire commercial du pays), de la baisse des cours du cuivre (dont le Chili est le premier exportateur mondial) et du contexte économique morose en Amérique du Sud. Divers scandales de corruption sont venus s’ajouter à ces difficultés économiques, notamment une affaire impliquant son fils. Bachelet ne pourra pas se représenter à la présidence comme prévu par la Constitution, et les municipales d’octobre suggèrent une nouvelle alternance au profit de la droite lors des présidentielles de 2017.
Colombie : malgré l’échec du référendum, la paix avec les FARC
En Colombie, l’année fut marquée par les péripéties liées à la résolution du plus long conflit d’Amérique, opposant l’État Colombien aux FARC. La signature d’un accord de paix à la Havane le 24 août 2016 avait laissé suggérer une mise en œuvre rapide de la paix, mais le peuple colombien a refusé la texte par une courte majorité lors du référendum du 2 octobre. Les tenants du « non », majoritaires dans les zones rurales notamment, se sont opposés à la réinsertion des guerrilleros estimant que l’État avait fait trop de concessions aux FARC pour décrocher l’accord de paix. Malgré son échec, le président colombien Juan Manuel Santos a été récompensé par le prix Nobel de la paix et fait adopter une nouvelle mouture du texte par le parlement. La Colombie également traverse une crise frontalière avec son voisin vénézuélien depuis la fin 2015, malgré une réouverture partielle de la frontière en août. L’année 2017 devrait donc être marquée par la mise en œuvre du traité de paix signé avec les FARC et l’entrée dans la vie du pays de ces derniers, ce qui ne devrait pas se faire sans troubles.